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INFO PARTENAIRE

Pour une sobriété heureuse

Il y a plus de 10 ans déjà, Pierre Rabhi, agro écologue chantre de l’économie sociale et solidaire, publiait un petit fascicule « Vers la sobriété heureuse » où il critiquait la société de consommation selon lui destructrice à long terme de la nature et de l’homme pour prôner l’adage « moins de biens, plus de liens ».

Le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) a lancé une plateforme en ligne à l’automne dernier pour réfléchir aux politiques à mener pour favoriser l’évolution de la société vers la sobriété. Plus de 5 200 participants y ont généré 144 000 contributions. Un atelier composé d’une quarantaine de citoyens tirés au sort a également été organisé fin novembre pour élaborer un avis comportant une vingtaine de préconisations. Celui-ci a été adopté à l'unanimité mercredi 11 janvier 2023 par les membres du CESE.

Pour ce dernier, la sobriété est un comportement nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Ne pas dépasser les 2°C d’augmentation globale de la température implique d’émettre au maximum 2 tonnes de CO2 par personne et par an d’ici 2050. Or aujourd’hui, l’empreinte carbone annuelle moyenne s’élève à 10 tonnes, avec des disparités très fortes : 50 % de la population a une empreinte inférieure à 5 tonnes et 10 % une empreinte supérieure à 25 tonnes.

Malheureusement en France, le terme de sobriété est la plupart de temps associé au manque ou à la restriction. Le CESE, quant à lui, en a retenu la définition suivante : « un ensemble de mesures, d’organisations collectives et de pratiques du quotidien qui évitent et réduisent la demande en énergie, matériaux, sol et eau tout en assurant le bien-être pour tous dans les limites planétaires ».

Ce sont avant tout les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables qui sont les victimes principales du changement climatique. Au regard des risques encourus, cette injustice menace la cohésion sociale, voire la démocratie. Si l’on accepte que les solutions passent par la sobriété, qu’elle soit choisie ou imposée par les politiques publiques, elles doivent absolument s‘inscrire dans le cadre de la justice sociale.

Pour le CESE, rendre nos vies soutenables grâce à la sobriété nécessite une forte implication des personnes, des organisations, et des décideurs (État, collectivités territoriales, acteurs économiques, organisations professionnelles, associations, mais aussi initiatives et démarches citoyennes) tout en veillant particulièrement à rétablir l’équité et la justice sociale dans l’accès aux biens et services. La sobriété doit donc être prise en compte dans toutes les politiques économiques sociales et environnementales, à tous les niveaux de décision. Sensibiliser, informer, éduquer et former tout au long de la vie l’ensemble des acteurs est une nécessité pour en permettre la réussite.

C’est pourquoi le CESE formule sur les conditions de la sobriété vingt préconisations articulées en cinq axes :

• Garantir une société juste en agissant contre les inégalités sociales et de genre et en réformant la fiscalité appliquée à la consommation et au carbone,

• Promouvoir une démocratie représentative et participative au service de la sobriété en organisant par exemple un débat national,

• Agir sur l’offre et la demande par l’organisation du dialogue de proximité et l’incitation au développement d’outils au sein des entreprises y compris les PME,

• Mettre en œuvre la sobriété dans le temps et dans l’espace par la planification écologique au niveau national et local et en proposant des alternatives à certains usages actuels : automobiles à énergie fossile, passoires énergétiques…,

• De la société de consommation à la société de bien-être, construire de nouveau récits partagés : porter un message positif sur la sobriété orienté vers le mieux-vivre et développer les initiatives citoyennes et associatives.

Si le consensus sur la sobriété n’est pas encore généralisé, le GIEC estime que celle-ci peut permettre de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 40 à 70 % d’ici 2050.

François LETT, Directeur du département éthique et solidaire