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Petit précis d’inflation américaine

Les concepts économiques relatifs à l’inflation se mêlent et s’entremêlent, à tel point qu’il est parfois difficile de distinguer le signal du bruit. La publication de l’inflation américaine la semaine dernière nous donne notamment l’occasion d’insister sur les différences entre les deux indices de prix qui coexistent outre-Atlantique.

Lorsque l’on examine l’évolution de l’inflation, il est coutume de dissocier l’inflation totale qui incorpore l’énergie et l’alimentation de l’inflation cœur qui extrait ces deux éléments. Par abus de langage, cette dernière est souvent confondue avec l’inflation dite sous-jacente, mais bien que subtile, la différence entre les deux est importante. En effet, l’inflation sous-jacente correspond aux pressions inflationnistes de moyen-terme en lien avec le cycle économique et tente de s’affranchir des pollutions volatiles de court terme comme la dynamique des matières premières. Elle est par définition inobservable et doit être estimée. A cet égard, l’inflation cœur est donc une façon d’appréhender l’inflation sous-jacente. Mais ça n’est pas la seule. Il est ainsi possible d’écarter du panier de biens et services les catégories dont les variations ont été « extrêmes » ou encore de se concentrer sur la médiane. Des modélisations plus poussées qui relient l’inflation à des variables macroéconomiques sont aussi utilisées.

Aux Etats-Unis, il convient de noter l’existence de deux indices de prix « concurrents ». Le CPI (Consumer Price Index) est calculé par le BLS (Bureau of Labor Statistics) à partir de données fournies par les consommateurs. L e PCE (Personal Consumption Expenditures), produit par le BEA (Bureau of Economic Analysis), prend en compte les informations en provenance des entreprises et constitue la cible d’inflation de la Banque centrale américaine (Fed). Le CPI est par ailleurs publié plus tôt dans le mois.

Toutefois, la différenciation se fait surtout par leur construction. La catégorie des loyers occupe une part plus importante au sein du CPI, tandis que le PCE est un peu plus équilibré s’agissant des autres services. En outre, les poids du PCE s’ajustent en fonction des habitudes de consommation. Ils diffèrent également dans la manière de comptabiliser l’évolution des prix de certaines catégories, notamment les frais de santé. Depuis 1990, les variations annuelles du CPI sont en moyenne plus élevées de ~0,5%. Bien que les facteurs qui les gouvernent soient différents, l’un apporte habituellement une information sur l’autre.

Le rapport PCE de novembre 2023 a fait état d’une inflation totale de 2,6 % sur un an et de 3,2 % pour sa version cœur. La semaine passée, le CPI est quant à lui ressorti à 3,4 % pour décembre 2023 et à 3,9 % pour le CPI cœur. Depuis quelques mois, un écart plus important que d’ordinaire subsiste et cela devrait s’accentuer lors de la publication du PCE de décembre. Notons également qu’en rythme annualisé sur 3 et 6 mois, le PCE cœur gravite à ~2%, tandis que le CPI cœur fluctue autour de ~3%.

L’évolution de l’indice ciblé par la Fed affiche donc un développement bien plus favorable, qui s’explique principalement par la prépondérance des loyers dans le CPI et par des méthodologies de calcul différentes. Les services hors immobilier demeurent dans les deux cas relativement élevés, mais là encore, ils sont mieux orientés pour le PCE.

La normalisation des tensions logistiques et le recul des cours des matières premières ont en revanche permis aux catégories des biens durables (appareils électroniques, automobiles…) et de l’énergie de contribuer de moins en moins à l’inflation, tant pour le PCE que pour le CPI. Une fois la normalisation des chaînes logistiques passée, le phénomène pourrait cependant s’inverser quelque peu, d’autant que la situation en mer rouge représente actuellement une menace. La désinflation est néanmoins enclenchée et celle-ci devrait se poursuivre en 2024, moyennant peut-être quelques à-coups. Toute la question est désormais de savoir si le « dernier km » menant vers la cible des 2 % sera plus ou moins long et sinueux.

La baisse des taux directeurs est prévue pour 2024, mais voilà une entreprise bien délicate pour la Fed, qui subit une différence de comportement relativement « inconfortable » entre les indices CPI et PCE, dont les évolutions respectives demeurent incertaines et perturbent in fine la lecture de l’inflation sous-jacente...

Contenu rédigé par Florent Wabont, économiste chez Ecofi.