Dans cet espace, la rédaction d’ID n’exerce pas de droit de regard sur les informations disponibles et ne saurait voir sa responsabilité engagée.
© DR Shutterstock / Crush Rush
Info partenaire

Nouveau départ

Ceux qui s’attendaient à voir le nouveau président américain en mode « Sleepy Joe » à la Maison-Blanche en seront pour leurs frais. En effet, dès sa prestation de serment, Joe Biden, à travers ses premiers décrets, a montré sa volonté d’aller vite dans l’aide à destination des ménages les plus modestes.

Ces mesures en plus du plan d’aide de 1900 milliards de dollars (environ 9% du PIB), ont plu aux investisseurs en dépit d’une dégradation de la situation sanitaire. Ces derniers s’attendent notamment à ce que le versement d’une aide de 1 400 dollars, en plus des 600 dollars déjà donnés en décembre sous l’administration Trump, apporte un peu d’oxygène à la consommation des ménages.

L’investissement résidentiel pourrait aussi contribuer au PIB si l’on se fie au bond des mises en chantier (+5,8% en décembre, un pic depuis septembre 2006) et à la bonne orientation des ventes de maisons existantes (+0,7% en décembre). Les indices boursiers ont de ce fait repris le chemin de la hausse, avec de nouveaux sommets (S&P 500 : +1,85%, à 3 837,28 points) à l’inverse des places européennes (EuroStoxx 50 : +0,02%, à 3 600 points). En effet, la hausse de l’inquiétude quant à l’efficacité des vaccins sur les nouveaux variants du Coronavirus fait planer le spectre d’un reconfinement en France (CAC 40 : -0,96%, à 5 558 points), en Espagne (Ibex 35 : -2,11%, à 8 057 points) ou en Italie (FTSE MIB : -0,98%, à 22 162 points).

On s’oriente donc vers une réduction des prévisions de croissance, même en Chine où l’activité n’a progressé que de 2,3% en 2020, au plus bas depuis quatre décennies. En effet, la tension sino-américaine ne devrait pas s’apaiser, Janet Yellen annonçant, lors de son audition au Sénat, une continuité de la pression à l’égard de Pékin. Le seul changement viendra de l’attitude américaine vis-à-vis de l’Europe. L’indicateur avancé PMI composite pour le Royaume-Uni (à 40,6 points) et la zone Euro se sont également enfoncés en zone de contraction (-1,6 point, à 47,5 en janvier), plombés à la fois par les services et le secteur manufacturier. Cependant, le niveau de l’indice PMI est plus élevé que début 2020, laissant augurer des dégâts moins importants sur l’économie qu’au premier trimestre 2020.

C’est peut-être la raison pour laquelle la Banque centrale européenne (BCE), après avoir montré ses muscles en décembre en augmentant de 500 milliards la taille de son Pandemic Emergency Purchase Program (PEPP), a préféré se donner du temps jusqu’à sa réunion de mars. Ainsi, si les risques baissiers venaient à se matérialiser au-delà de cette date, il ne fait aucun doute que la BCE augmenterait l’enveloppe de son pro- gramme ou étendrait l’échéance de ces achats d’urgence au-delà de mars 2022. Cet attentisme de la BCE n’a pas réussi à calmer les craintes sur les marchés obli- gataires.

En effet, même si Eurostat a fait état d’une amélioration du déficit public, passé de -11,9% à -5,8% du PIB du deuxième au troisième trimestre, le risque d’un durcissement des mesures sanitaires laisse craindre un dérapage de la dette, ressortie une nouvelle fois en hausse à 97,3% du PIB dans la zone Euro. Les hausses les plus importantes ont concerné la Grèce, l’Italie et le Portugal. Ce qui peut expliquer la forte contreperformance des taux italiens (+13 points de base – pbs – à 0,71% pour le taux à 10 ans) malgré le vote de confiance obtenu, de justesse par Giuseppe Conté au Sénat. La hausse des taux en Italie s’est propagée au Portugal (+7 pbs, à 0,07%) et en Espagne (+6 pbs, à 0,13%). La France aussi a souffert (+6 pbs, à -0,26%).

En l’absence de nouvelles stimulations budgétaires, une entrée en récession de la zone Euro au premier trimestre est plus que probable. Les Etats-Unis, où les taux à 10 ans ont surperformé (-1 pb, à 1,09%), pourraient échapper à la contraction de l’activité grâce au plan d’aide de 900 milliards voté fin décembre et l’adoption prochaine du plan de 1 900 milliards de dollars promis par Joe Biden.

La perspective d’une nouvelle dégradation du déficit public a nui au dollar qui a cédé du terrain (-0,6%, à 90,232 points). L’euro (+0,75%, à 1,21680 dollar) a mis fin à sa tendance baissière suite aux propos de Christine Lagarde qui s’est montrée optimiste sur l’effet attendu de la vaccination sur l’activité, en plus du plan NextGenEU de 750 milliards voté par l’Union européenne et d’une sortie « par le haut » de l’impasse du Brexit. Par ailleurs, en cas de dégradation probable de l’activité, la faiblesse de l’inflation, ressortie à -0,3% pour le quatrième mois consécutif contre 1,3% une année auparavant, pourrait inciter la BCE à prendre de nouvelles initiatives.

Karamo KABADirecteur de la recherche économique