Les exploitations de charbon, de pétrole et de gaz naturel expliquent chacune environ 40 Mt d'émissions, auxquelles s’ajoutent près de 5 Mt de fuites. Environ 10 Mt d'émissions proviennent de la combustion incomplète de la bioénergie (biomasse en majeure partie). Il faut savoir que le secteur de l'énergie génère près de 40 % des émissions totales de méthane imputables à l'activité humaine, juste derrière l'agriculture.
L’AIE estime que, dans le secteur du pétrole et du gaz, les émissions pourraient être réduites de plus de 75 % par la mise en œuvre de mesures telles que des programmes de détection et de réparation des fuites et la modernisation des équipements. Dans le secteur du charbon, plus de la moitié des émissions de méthane pourraient être réduites en les exploitant ou en utilisant des technologies de torchage ou d'oxydation lorsque la récupération d'énergie n'est pas viable.
Pour l’AIE, l'intensité moyenne mondiale en méthane de la production de pétrole et de gaz a diminué d'environ 5 % depuis 2019. Malgré cela, l'intensité des émissions de la production demeure beaucoup trop élevée et les émissions globales continuent d'augmenter.
Paradoxalement, la réduction des émissions de méthane serait très rentable dans le secteur du pétrole et du gaz. Sur la base des prix moyens du gaz naturel entre 2017 et 2021, 40 % des émissions de méthane provenant des opérations pétrolières et gazières pourraient être évitées sans coût net, car les dépenses liées aux mesures de réduction sont inférieures à la valeur marchande du gaz supplémentaire capté. Sur la base des prix records du gaz observés dans le monde en 2022, environ 80 % des options de réduction des émissions provenant des opérations pétrolières et gazières dans le monde pourraient être mises en œuvre sans coût net. 100 milliards de dollars d'investissements seraient nécessaires d'ici à 2030 pour déployer toutes les mesures de réduction du méthane dans le secteur pétrolier et gazier, soit moins de 3 % des revenus nets perçus par l'industrie pétrolière et gazière en 2022…
Seulement 92 % environ des volumes de gaz envoyés vers les torches dans le monde sont correctement brûlés, ce qui génère plus de 500 Mt d'émissions annuelles de gaz à effet de serre équivalents CO2. Autrement dit, plus de 260 milliards de mètres cubes de gaz naturel sont gaspillés par le torchage et les fuites de méthane dans le monde aujourd'hui. On estime que 200 milliards de mètres cubes de gaz supplémentaires pourraient être mis sur les marchés. Ce volume est supérieur aux importations de gaz naturel de l'Union européenne en provenance de Russie avant l'invasion de l'Ukraine. L'arrêt de ce gaspillage de gaz naturel permettrait de réduire l'augmentation de la température mondiale de près de 0,1 °C d'ici le milieu du siècle.
Les fuites de très grande ampleur sont une source importante d'émissions, mais elles sont minimes par rapport à celles provenant des opérations pétrolières et gazières normales qui émettent l'équivalent d'un événement de la taille de Nord Stream chaque jour en moyenne. Les efforts visant à stopper les fuites de très grande ampleur doivent donc aller de pair avec des mesures de réduction des émissions provenant des opérations normales, par exemple en remplaçant les équipements qui fuient et en installant des dispositifs de contrôle des émissions.
Les exploitations charbonnières ont rejeté un peu plus de 40 Mt d'émissions de méthane en 2022, dont la moitié environ provient de Chine, premier producteur mondial de charbon. Près de 55 % des émissions de méthane des mines de charbon dans le monde pourraient être évitées grâce aux technologies existantes. Par exemple, la réduction des émissions de méthane pourrait être importante pour le charbon à coke, principalement utilisé dans la fabrication de l'acier, qui provient généralement de mines souterraines où les émissions de méthane sont plus élevées et où il est plus facile de les réduire.
Etonnamment, alors que des solutions relativement faciles et rapides à mettre en œuvre existent pour réduire drastiquement les émissions de méthane (une tonne de méthane est considérée comme équivalente à 30 tonnes de CO2 sur la base du potentiel de réchauffement planétaire sur 100 ans), cette thématique importante semble peu abordée à ce jour dans l’engagement actionnarial investisseurs/entreprises.
Contenu rédigé par François LETT, Directeur du département éthique et solidaire