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L’impact : nouveau sésame de l’ISR?

Le véritable acte de naissance de l’investissement socialement responsable (ISR) a été la publication, en 1987, du rapport Brundtland en préparation du premier sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992. Il propose la définition suivante : « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. »

Très vite, les gestionnaires d’actifs ont transformé cette définition très conceptuelle en un scoring ESG pour Environnement, Social et Gouvernance. Il s’agissait de transposer les principes des agences de notation financière à la notation extra-financière. Sont apparues ensuite pour l’élaboration de ces scorings, les notions de « best-in-class » (les meilleurs de chaque secteur), de « best-in-universe » (les meilleurs en absolu, indépendamment des secteurs) et de « best-in-effort » (les meilleures progressions). Rapidement a été ajoutée l’exclusion - partielle ou complète - de secteurs jugés « néfastes » comme par exemple le charbon ou l’armement, ce qui correspondait à l’origine à la pratique anglo-saxonne de l’investissement responsable. Enfin, un sort particulier a été réservé aux controverses ESG graves, qui peuvent entraîner soit une baisse du score ESG, soit une exclusion de l’émetteur.

La récente doctrine ISR de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et la nouvelle réglementation européenne, notamment avec les règlements « disclosure » et « taxonomie » qui vont entrer en vigueur dans le courant de cette année, vont dans le sens d’une normalisation de l’analyse ESG, d’une transparence accrue des processus ISR et d’une définition officielle des « bons » et « mauvais » secteurs au sens de l’investissement responsable. Au-delà de ces tendances récentes, une nouvelle demande exprimée fort simplement émerge de la part des investisseurs de fonds ISR : quel est l’impact réel de mon investissement sur la transformation du monde ? Vous vous en doutez, la réponse est éminemment complexe.

Les universitaires définissent l’impact comme « une somme de changements qui interviennent en conséquence des résultats d’une action spécifique et qui peut être causalement attribuée à cette action spécifique. » Ces changements n’auraient donc pas eu lieu sans cette action. Pour mesurer l’impact social et environnemental d’un portefeuille, il faut mesurer le changement social et environnemental des bénéficiaires de l’action sur une longue période, généré uniquement par l’activité du portefeuille (établissement du lien causalité), ce qui n’est pas une mince affaire... Aujourd’hui trois indicateurs sont utilisés pour mesurer l’impact :

les indicateurs de réalisation (« output ») qui sont une mesure de production, directement reliée aux activités de la structure. L’indicateur comptabilise les réalisations effectuées. Par exemple, si l’objectif est l’accès à l’emploi de personnes éloignées de ce dernier, l’indicateur peut être le nombre d’ateliers d’entretiens d’embauche effectués ;

les indicateurs de résultat (« outcome ») qui sont une mesure du changement opéré à la suite de l’activité. Plus complexe à mesurer que l’indicateur de performance, il nécessite une démarche d’enquête pour recueillir les informations nécessaires, par exemple le nombre de bénéficiaires qui ont trouvé un emploi à la suite de l’accompagnement ;

les indicateurs d’impact (« impact ») qui sont une mesure du changement, mais fondée sur la part attribuable à l’activité. Elle prend donc en compte la part de changement qui aurait opéré, toutes choses étant égales par ailleurs. Par exemple, le nombre de bénéficiaires qui ont trouvé un emploi et qui n’en n’auraient pas trouvé dans les mêmes délais sans le programme. Ces indicateurs sont extrême- ment complexes à élaborer car il faudrait presque mettre en œuvre la méthodologie d’Esther Duflo avec deux groupes témoins, un premier où l’on appliquerait une action, un second où l’on ne ferait rien.

Malgré la normalisation accélérée de l’ISR, de grands chantiers à défricher en font toujours une matière bien vivante et innovante !

François LETTDirecteur du département éthique et solidaire