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L’euro à un plus haut de 2 ans et demi

Alors que la Food and Drug Admnistration, l’agence américaine du médicament, est sur le point d’approuver le vaccin développé par le consortium Pfizer-BioNTech, plusieurs pays sont passés à l’étape suivante. Après la Russie et son vaccin Spoutnik V, c’est le Royaume-Uni qui s’apprête à démarrer une campagne de vaccination de masse.

Même si ces vaccins n’élimineront pas le virus dans un avenir immédiat, leur arrivée devrait permettre de contenir la pandémie, une étape indispensable au retour de la confiance et au redressement de l’activité. En dépit de l’aggravation aux Etats-Unis suite aux réunions familiales de Thanksgiving, la perspective d’un vaccin a suffi pour entretenir l’optimisme des investisseurs. Les indices ont continué de progresser pour établir de nouveaux records (S&P 500 : +1,7%, à 3 699,12 points).

La surperformance des indices américains par rapport à l’Europe (Euro Stoxx 50 : +0,3%, à 3 538 points) peut s’expliquer par les anticipations d’un accord sur un plan de relance d’environ 900 milliards de dollars après le mauvais rapport d’emploi de novembre. En effet, alors que le consensus tablait sur 460 000 postes supplémentaires, les effectifs salariés non agricoles n’ont finalement progressé que de 245 000, avec notamment une contraction de l’emploi dans le secteur public (-86 000 au niveau fédéral et -21 000 au niveau des Etats locaux). Cela n’a pas empêché le chômage de poursuivre sa décrue (-0,2%, à 6,7%) grâce au recul du taux de participation, passé de 61,7% à 61,5%. Compte tenu de la recrudescence du virus et de la multiplication des mesures de confinement, les prochaines statistiques sur l’emploi ne devraient pas être bonnes, notamment dans les services. Ainsi, le quatrième trimestre risque d’être difficile partout, surtout que les mesures sanitaires perdurent.

On comprend pourquoi le président-élu Biden a exhorté les parlementaires à inclure dans l’éventuel futur plan d’aide des chèques de 1 200 dollars destinés aux ménages comme ce fut le cas au printemps dernier dans le cadre de la loi CARES.

Les indices européens ont profité des bons chiffres des ventes au détail (+1,5% en octobre en zone Euro contre -1,7% en septembre) et de la hausse du pétrole (+2,7% pour le Brent, à 49,44 dollars le baril), soutenus par les anticipations d’un retour à la normale après la mise sur le marché des premiers vaccins. Les pays de l’OPEP+ en ont profité pour revoir à la hausse leur objectif de production de près de 2 millions de barils par jour à partir du 1er janvier prochain. Cet accord, obtenu difficilement, semble traduire un empressement de certains producteurs comme la Russie ou l’Irak, confrontés à des difficultés croissantes. Sur les marchés obligataires, le mouvement de repentification de la courbe des taux s’est accéléré avec une forte hausse des échéances longues. En progression de 13 points de base (pbs) sur la semaine (à 0,97%), le rendement du taux à 10 ans américain s’approche désormais du seuil de 1% alors que la plupart des enquêtes publiées ont déçu. Cette aspiration des rendements à la hausse s’est aussi produit en Europe (Allemagne : + 4 pbs, à -0,54%) même si on note une poursuite du resserrement du spread entre l’Italie et l’Allemagne. Cela est peut-être la conséquence de la fissure apparue entre la Pologne et la Hongrie dans le blocage du plan de relance de 750 milliards d’euros après le fléchissement de Varsovie sur le mécanisme de conditionnalité. La ligne dure de Budapest pourrait être contournée si les autres pays acceptent la proposition française d’un accord à 25 ou si Budapest et/ou Varsovie ne retirent pas leur véto.

L’euro a profité de cette fermeté des Européens, et de la poursuite de la dépréciation du dollar pour se rapprocher du seuil de 1,22 dollar, soit un plus haut niveau de 2 ans et demi. La vigueur de l’euro est de nature à remettre en cause la bonne orientation des carnets de commande des entreprises allemandes, revenus à leur niveau d’avant-crise grâce au redémarrage amorcé en Asie. La devise européenne a aussi profité de l’accélération des négociations entre l’UE et le Royaume-Uni pour écarter le risque d’un « Brexit sans accord ». Mais, quel que soit le scénario retenu, les investisseurs sont persuadés de l’annonce d’une nouvelle salve de stimulation monétaire des banques centrales. La Banque centrale européenne pourrait par exemple augmenter l’enveloppe de son programme d’achats d’urgence face à la pandémie lors de sa prochaine réunion de politique monétaire ou relancer de nouvelles opérations de refinancement à long terme ciblé (TLTRO). Le billet vert a accéléré sa chute contre toutes les monnaies (-1% à 90,801 pour son taux de change effectif), pénalisé par ce qui s’apparente maintenant à une troisième vague. Une poursuite de la dépréciation est malheureusement à craindre au cours des prochains mois.

Karamo KABADirecteur de la recherche économique