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INFO PARTENAIRE

Les effets de base n’expliquent pas tout

Les investisseurs ont longtemps retenu leur souffle avant la publication du rapport d’inflation aux Etats-Unis. Et comme il fallait s’y attendre, la progression des prix est ressortie plus forte qu’attendu en mai (+0,6% contre +0,5% attendu par le consensus).

Sur une année, les prix ont bondi de 5%, ce qui correspond à un pic depuis 13 ans. Certes, une grande partie de ce bond peut s’expliquer par des effets de base positifs en comparaison avec la même période de l’année dernière. Cependant, cela n’explique pas tout, comme notamment le boom actuel des véhicules d’occasion (+7,3% en mai après déjà +10% en avril) ou celui des billets d’avion (+7,0% sur le mois). En effet, en tenant compte de la dynamique observée au cours des trois derniers mois, on constate que l’inflation sous-jacente (+8,3% en rythme annualisé) – qui ne tient pas compte des aliments et de l’énergie – flambe, même si elle est encore éloigné du niveau de l’inflation globale (+11,3% en rythme annualisé).

Cela va à l’encontre des propos de la Réserve fédérale (Fed) pour qui la poussée inflationniste actuelle a un caractère temporaire. Ainsi, comme semblent le craindre les patrons de PME, les pressions salariales se font de plus en plus grandes. D’ailleurs, la dernière enquête sur le moral de ces patrons a montré que 24% d’entre eux plaçaient les difficultés à recruter comme le principal problème, bien devant les taxes (15%) ou la régulation (10%). Cela explique pourquoi 34% des PME ont augmenté les salaires et que 16% vont leur emboiter le pas au cours des trois prochains mois.

Dans ce contexte, 43% des PME comptent augmenter leurs prix de vente au cours des trois prochains mois, ce qui, tôt ou tard, va peser sur les marges. Ce comportement des entreprises tend surtout à confirmer que l’inflation n’est pas aussi transitoire que l’affirme la Fed. Il n’est cependant pas certain que cela suffise pour que la Banque centrale américaine commence à durcir sa politique monétaire au cours de sa réunion de juin qui se tiendra mardi et mercredi prochains. Au pire, la Fed va commencer à parler de l’éventualité d’une réduction de ses achats de titres.

C’est sans doute ce qui explique la sérénité des marchés obligataires sur la semaine. Ainsi, alors que l’inflation américaine est au plus haut depuis 13 ans et demi, les rendements des emprunts d’Etat ont fortement reculé (-11 points de base - pbs - à 1,4535% pour le taux à 10 ans) pour revenir à son niveau de début mars. La même tendance a été observée dans la zone Euro où, là aussi, en dépit de tensions inflationnistes, la Banque centrale européenne (BCE) ne compte pas changer précipitamment ses plans. Mieux, alors qu’elle a relevé ses prévisions d’inflation (+1,9% en 2021, +1,5% en 2022) et de croissance (+4,6% en 2021 et +4,7% en 2022), elle compte accélérer ses achats de titres jusqu’en septembre dans le cadre de son programme PEPP.

Tout ceci a facilité un retrait des taux longs, notamment ceux des pays de la périphérie de l’Europe. Dans ce contexte, la fin du processus de ratification du plan de relance européen a permis d’importants reculs en Italie (-13 pbs, à 0,7469% pour le 10 ans) ou en Espagne (-10 pbs, à 0,36%), ce qui a entraîné une réduction des spreads par rapport à l’Allemagne (-6 pbs, à -0,27%). Dans ces conditions, la prise de risque a été encouragée, ce qui a aidé les actions (S&P 500 : +0,5% à 4250,99 points). On a même vu l’indice CAC 40 en France, aidé par LVMH, Hermès et Renault, battre un record vieux de plus de vingt ans (+1,65% à 6 623 points). De façon contre-intuitive, le dollar a été recherché malgré le reflux de l’aversion pour le risque et des taux longs. L’euro et la livre ont cédé du terrain par rapport au billet vert (respectivement : -0,5%, à 1,21103$ et -0,3%, à 1,41155$), affaiblis par les difficultés de la production industrielle en France et en Allemagne mais aussi par de nouvelles bisbilles sur l’application du Brexit.

En effet, alors qu’on a assisté à un rapprochement des positions américaines et européennes (contre la Russie et la Chine) à l’occasion du G7, la tension n’a cessé d’augmenter entre l’Union européenne et le RoyaumeUni sur le statut de l’Irlande du Nord. Des divergences sur les contrôles imposés à certaines marchandises entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord pourraient pousser Boris Johnson à ne pas respecter l’accord signé avec les 27.

Karamo KABA, Directeur de recherche économique