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Les banques centrales en ont-elles trop, suffisamment ou pas assez fait ?

L’efficacité de l’action des banques centrales est régulièrement questionnée et le moindre point de donnée a le pouvoir de raviver instantanément ce débat. Plus récemment encore, la première baisse de taux de la BCE a suscité l’interrogation quant à la pertinence d’un tel mouvement, dans un contexte marqué par un (modeste) regain d’inflation. Cette hyper-dépendance aux données, partagée par les marchés et les autorités monétaires, ne doit pas occulter la pertinence d’une lecture rigoureuse des tendances…

La politique monétaire se transmet par le biais de différents canaux. En théorie, lorsque les taux directeurs augmentent, les taux d’intérêt de marché intègrent l’information immédiatement, voire avant par anticipation. Quelques mois plus tard, c’est par l’intermédiaire du canal du crédit que se répercutent ensuite les effets sur l’économie réelle. Emprunter pour consommer devient plus coûteux, de même que pour investir. L’activité ralentit et l’inflation baisse progressivement. En cas d'appréciation de la devise, le canal du taux de change peut également réduire les pressions inflationnistes.

Il y a de cela un an (cf. « 2023, l’odyssée des banques centrales »), nous avions développé l’idée d’une transmission de la politique monétaire à géométrie variable, en fonction des secteurs de l’économie et des zones géographiques. Dans le prolongement de cette thèse, nous avons récemment avancé celle de l’enclenchement d’un cycle de resserrement monétaire asynchrone, tant en termes de calendrier, de motivations, que dans l’ampleur des baisses, appuyé de surcroît par des natures d’inflation différentes d’un pays à l’autre.

La semaine dernière, l’inflation cœur PCE* (hors énergie et alimentation) est ressortie à 2,6 % en mai, après 2,8 % en avril. Les travaux de la Fed de San Francisco montrent que la proportion de l’inflation expliquée par la demande (qui se définit comme les items dont les prix évoluent de concert avec les quantités) a nettement diminué depuis mi-2022. La partie offre (prix évoluant à l’inverse des quantités), liée notamment aux difficultés d’approvisionnement durant la pandémie a reflué, mais une proportion non négligeable demeure.

Même si la croissance du PIB a été vigoureuse, la politique de la Fed a bel et bien refroidi la demande et l’inflation, en dépit de ce que certains commentateurs avancent. Si l’on superpose à ces éléments un indicateur de tension sur le marché du travail, il en ressort que la baisse de l’inflation a aussi coïncidé avec une diminution des intentions d’embauches des entreprises. Autrement dit, que la hausse des taux s’est traduite par une destruction de demande « inassouvie », plutôt que par des licenciements secs.

La littérature économique récente a par ailleurs mis en évidence le lien, depuis la pandémie, entre l’exceptionnel accroissement de la tension sur le marché du travail et l’inflation. L’effet des hausses de taux, a pour l’instant été plutôt « silencieux », mais qu’en sera-t-il maintenant que le marché du travail se rééquilibre ? Parallèlement, la consommation des ménages en biens durables s’essouffle, les dépenses d’investissement en équipement faiblissent et les petites entreprises éprouvent des difficultés d’accès au crédit. La Fed peut encore attendre face à la lenteur de la désinflation, mais de moins en moins.

En zone Euro, les effets de la politique monétaire ont été plus « bruyants ». Une récession technique a été observée en 2023. Le flux de nouveaux crédits s’est tari. L’industrie, les secteurs manufacturier et immobilier ont souffert. L’inflation, principalement issue d’un choc d’offre au sens large, a quant à elle fortement diminué. De récents travaux académiques (Giannone & Primiceri, 2024) qui seront présentés cette semaine au Forum de Sintra**, suggèrent que le « dernier km » d’inflation ne devrait pas être si difficile à parcourir en zone Euro, abondant ainsi dans le sens de notre scénario de début d’année.

Nous anticipons que la Fed se livrera prochainement à un ajustement de sa politique monétaire, car la balance des risques est désormais plus équilibrée, voire légèrement instable. La BCE devrait poursuivre la baisse des taux en septembre, par nécessité, dans la perspective d’un retour rapide de l’inflation à sa cible et d’un début de rebond conjoncturel, susceptible de relancer la productivité, situation radicalement différente de celle des années 2010…

Contenu rédigé par Florent Wabont Économiste