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DR Steve Buissinne/Pixabay
INFO PARTENAIRE

Le rapport roboratif de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) contre les énergies fossiles

« Ce rapport est l’une des entreprises les plus importantes et difficiles dans l’histoire de l’Agence Internationale de l’Energie. », a déclaré Fatih Birol, directeur de l’AIE, dans sa préface au rapport « Net Zero Emissions by 2050 » publié le 18 mai 2021.

Il concrétise un changement comportemental profond de l’AIE, longtemps accusée d’ambivalence car prétendant lutter contre le changement climatique tout en dénonçant le risque de sous-investissement dans le pétrole et le gaz. L’AIE préconise, en effet, un « traitement de cheval » : fin immédiate du développement des centrales à charbon sans capture de CO2, inutilité de développer de nouveaux projets gaziers et pétroliers, fin des ventes de chaudières au fioul ou au gaz dès 2025, arrêt des centrales à charbon sans capture dans les pays développés en 2030 et fin du moteur thermique en 2035.

L’énergie fossile fournit aujourd’hui 80% de l’énergie totale et devrait n’en fournir plus que 20% en 2050. La consommation mondiale de pétrole passerait de plus de 90 millions de barils/ jour aujourd’hui à moins de 25 en 2050. Les renouvelables devraient fournir à la planète les deux tiers de son énergie en 2050, avec la première place pour l’énergie solaire (20% du total). 88% de l’électricité devra être d’origine renouvelable : les énergies solaire et éolienne produiront chacune 35% de l’électricité mondiale, loin devant l’hydroélectricité (12%), le nucléaire (8%), la bioélectricité (5%), le charbon et le gaz avec une capture du CO2 (1% chacun) et l’hydrogène (2%).

Ce scénario nécessite une capacité solaire en 2050 multipliée par vingt et une capacité éolienne multipliée par onze, soit des rythmes d’installation qui devront être quadruplés d’ici 2030, comme ils l’ont déjà été entre 2010 et 2020. La production globale d’électricité sera multipliée par 2,5 en 2050 ; elle fournira alors la moitié de la consommation finale d’énergie, contre 20% aujourd’hui. Cette électrification, et les mesures d’économie d’énergie, contribueront à une décroissance continue de l’intensité énergétique de l’économie, de 4% par an jusqu’en 2030, et de 2,7% ensuite.

Les ventes de voitures électriques seront multipliées par dix-huit en 2030, avec 60% des ventes. Représentant en 2050 près de 10% de l’énergie finale, l’hydrogène devrait être majoritairement bas carbone dès 2030, produit à parts égales à partir de fossiles avec capture du CO2 et par électrolyse de l’eau avec de l’électricité bas-carbone, solution qui deviendra ensuite prédominante. Ce bouleversement nécessitera des investissements importants, jusqu’à 5000 milliards de dollars par an en 2030 dans les renouvelables, les réseaux électriques, l’électrification des transports et du chauffage, les batteries, la capture du CO2 et l’hydrogène.

De quoi augmenter la croissance de 0,4 point de pourcentage, selon l’analyse effectuée avec l’aide du Fonds Monétaire International. L’AIE estime que moins de 40% des réductions d’émissions résulteront de l’adoption de technologies bas-carbone sans engagement direct des citoyens ou des consommateurs. Et donc l’implication active des citoyens pour l’installation d’un toit solaire ou d’une pompe à chaleur, ou l’achat d’une voiture électrique sera primordiale. La transition créera des emplois - évalués à 14 millions - mais en détruira d’autres : environ 5 millions, dont 700 000 dans le secteur automobile. Des politiques d’accompagnement devront être mises en place par les gouvernements pour contrecarrer le risque de mise en échec de la transition. Ce rapport va à coup sûr alimenter des durcissements de politiques d’exclusion chez les asset managers comme chez les banques mais a contrario les bouleversements proposés sont tels que beaucoup d’acteurs et de citoyens risquent de perdre leurs illusions sur la possibilité de respecter les Accords de Paris.

François LETT, Directeur du département éthique et solidaire