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L’Assemblée nationale enterre la généralisation des résolutions "say on climate"

Nous pouvions espérer un peu de hauteur de vue et de vision à long terme de la part de nos députés et sénateurs sur un sujet aussi crucial que le climat... Malheureusement ils ont cédé à la pression du lobby des entreprises.

L’amendement proposé par le député Alexandre Holroyd (Renaissance) a été retiré du texte de la commission mixte paritaire qui s’est accordée sur le contenu du projet de loi relatif à l’industrie verte avant son adoption par l’Assemblée et le Sénat ces 10 et 11 octobre.

Le député, président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts, demandait l’instauration d’un vote obligatoire triennal consultatif sur la stratégie climat des entreprises et un vote annuel consultatif sur la mise en œuvre de cette stratégie. Le rapporteur de la Commission spéciale, Damien Adam (REM), et le gouvernement, s’y sont opposés.

D. Adam a argué de la « surtransposition du droit de l’Union » pour s’élever contre en estimant que « ce n’est pas à l’Etat de rendre obligatoire le "say on climate", c’est aux actionnaires de le prescrire » en oubliant que des résolutions d’actionnaires peuvent être bloquées par le conseil d’administration et ne pas être présentées au vote des actionnaires, comme chez TotalEnergies en 2022, et que l’Etat avait rendu obligatoire par le passé les résolutions consultatives du "say on pay".

Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, a recommandé d’en rester à la transposition de la directive CSRD en estimant avec une vision étonnamment décalée, qu’adopter ce "say on climate" aboutira à « donner la main » à BlackRock !

Les déposants ont cependant rappelé que pour respecter l’Accord de Paris et limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré, challenger les entreprises sur le climat est essentiel. Et « la méthode à privilégier est celle du dialogue. Cet amendement a pour ambition d’associer un maximum de parties prenantes des entreprises et de favoriser ce dialogue entre le management d’une part et les investisseurs responsables, d’autre part ».

L’argument supplémentaire du ministre qui considérait que cet amendement aurait fait perdre de son attractivité à la place de Paris est très tendancieux, car ce dernier prévoyait que ce soient les entreprises et non les actionnaires (soupçonnés par R. Lescure de pouvoir être activistes) qui présentent la résolution.

Cet amendement avait été travaillé avec le Forum pour l’investissement responsable (FIR) et reprenait les recommandations de la commission climat et finance durable de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Une première fêlure est apparue à l’époque quand le régulateur avait déclaré que les recommandations de sa commission ne l’engageait pas…

Dans un courrier adressé au président de la République et au ministre Roland Lescure, le FIR argumentait que cet amendement permettrait à la France de « maintenir son leadership au niveau européen à travers un mécanisme novateur et non contraignant juridiquement qui facilite le dialogue entre investisseurs responsables et entreprises ». De plus ce "say on climate" ne heurte aucune règle juridique et en particulier pas le principe de hiérarchie des organes sociaux, comme l’a statué le Haut Comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) en décembre 2022.

Enfin, dans une volonté de conciliation, les déposants avaient renoncé à un second amendement pour la demande d’abaissement de seuil pour le dépôt de résolution d’actionnaire de 0,50 % à 0,25 % qui aurait là aussi pu contribuer à l’amélioration de la démocratie actionnariale.

Faisons donc le pari que devant ce refus réglementaire, les actionnaires multiplieront les dépôts de résolutions climat externes pour la saison de votes 2024.

Contenu rédigé par François Lett, directeur du département éthique et solidaire chez Ecofi.