Afin de lutter contre le greenwashing, et de compenser l'absence de définition claire des investissements durables, l'AMF recommande d'introduire des normes de performances minimales qui permettraient d’aboutir à l’équivalent d’une labellisation officielle par SFDR.
L’AMF a élaboré trois propositions :
- L'alignement sur la directive européenne « Taxonomie »
L'AMF souhaite tout simplement modifier de fond en comble le célèbre article 2.17 de SFDR qui définit sommairement les investissements durables en une quinzaine de lignes. Comme alternative, l'AMF propose un alignement sur la Taxonomie verte de l'Union européenne (UE) en fixant un seuil minimum pour les fonds article 9. Ce seuil progresserait avec le temps et mettrait fin à l'obligation pour les fonds article 9 d'atteindre 100 % d'investissements durables au sens de SFDR.
Si cette proposition a le mérite d’être d’une clarté absolue, elle a le gros inconvénient d’évacuer complètement la thématique sociale proposée par l’article 2.17, et elle limite l’analyse de l’environnement à la taxonomie, ce qui est très réducteur.
- Taux de réduction de l'univers d'investissement de départ
Pour les fonds articles 8 et 9, l'AMF recommande de définir un degré minimum de réduction de l'univers d'investissement (par exemple, 30 % pour les fonds article 9 et 20 % pour les fonds article 8 – niveau du seuil du label ISR d’Etat français –).
- Les exclusions
Pour les fonds article 9, l'AMF recommande d'exclure les investissements dans les activités du secteur des combustibles fossiles qui ne sont pas alignées sur la taxonomie de l'UE. Ces activités resteraient possibles pour les fonds article 8 sous certaines conditions, en se fondant par exemple sur les plans de transition que les entreprises devront produire dans le cadre de la directive CSRD sur le reporting ESG. L'AMF envisage également d’autres critères possibles.
- La transition climatique
Pour les fonds articles 8 et 9, l'AMF envisage de fixer une part minimale d'actifs de transition. Cette recommandation est intéressante car elle permettrait de valoriser les stratégies d'amélioration des entreprises, à l'instar du récent projet de règles élaboré par les Britanniques. Mais du temps serait nécessaire pour définir clairement les actifs de transition avec deux options possibles mentionnées par l'AMF :
-la vérification et l’homologation par un tiers du plan de transition dans le cadre de CSRD ;
- l'utilisation de la Taxonomie verte étendue aux 6 objectifs de la directive qui ne se limiterait pas comme aujourd’hui à l’atténuation et à l’adaptation au risque climatique. Se rajouteraient l’eau, l’économie circulaire, la pollution et la biodiversité.
- La transparence
Enfin, l'AMF envisage pour les fonds articles 8 et 9 un reporting obligatoire sur les indicateurs PAI - Principal Adverse Impacts ou Principales incidences négatives - (ce qui est déjà une pratique de marché) et des informations supplémentaires sur leur politique d'engagement.
Ces propositions ont été publiées dans le contexte des clarifications attendues de la Commission européenne (CE) et de la consultation de l'ESMA sur les fonds portant un nom ESG. A ce stade, ces propositions ne changent pas la norme actuelle et l'application des règles dites de niveau 2. Personne ne sait si les recommandations françaises seront suivies et adoptées au niveau de l'UE. Certains experts affirment que les propositions de l'AMF nécessiteraient non seulement des modifications des normes techniques SFDR (RTS) mais aussi du règlement de niveau 1, ce qui génèrerait un processus législatif assez long.
Il est donc peu probable que les changements proposés interviennent avant le nouveau mandat de la CE, c'est-à-dire fin 2024... Autant dire que le flou de la notion d’investissement durable risque de perdurer un long moment au grand dam des investisseurs !
François LETT Directeur du département éthique et solidaire
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