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INFO PARTENAIRE

L’actualité du devoir de vigilance

En France, la loi sur le devoir de vigilance a été adoptée en mars 2017. Cette loi a été la première dans le monde, et marque une avancée historique vers le respect des droits humains et environnementaux par les entreprises.

Elle leur crée une nouvelle obligation : prévenir et réparer les violations des droits humains et les dommages environnementaux engendrés par leurs activités et par les activités de leurs filiales, de leurs sous-traitants ou fournisseurs. Elle concerne les entreprises établies en France qui emploient au moins 5 000 salariés en France ou 10 000 dans le monde.

La loi sur le devoir de vigilance concerne tous les secteurs d’activité : sont concernés toutes « les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement ». Les entreprises soumises au devoir de vigilance ont l’obligation légale de publier dans leur rapport annuel et de mettre en œuvre de façon effective un plan de vigilance, afin d’identifier et de prévenir les risques d’atteintes aux droits humains et à l’environnement. En cas d’accident les victimes, associations et syndicats, pourront saisir le juge pour faire respecter cette nouvelle obligation. Le juge pourra enjoindre sous astreinte l'entreprise à publier et mettre en œuvre de manière effective un plan de vigilance.

Depuis 2019, onze procédures fondées sur ce devoir de vigilance ont vu le jour. La dernière affaire date du 7 juin 2021. Quatre organisations, dont la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), ont assigné Suez en s’appuyant sur le devoir de vigilance. Ces ONG lui reprochent de ne pas avoir mis en place de mesures préventives et correctives suffisantes pour prévenir des fuites de pétrole dans une usine d’eau potable alimentant plus de 140 000 personnes dans la ville d’Osorno au Chili. Le 3 mars dernier c’est la chaîne de supermarché, Casino, qui a été assignée. Les ONG, dont Notre Affaire à tous et Sherpa, estiment que ses ventes de produits à base de viande bovine d’Amérique du Sud participent à la déforestation et à l’accaparement de terres des autochtones.

Si la crainte d'un contentieux pousse les entreprises à élaborer un devoir de vigilance, ce dispositif, associé à la loi Pacte, marque un tournant culturel, selon l'avocat Pierrick Le Goff. « C’est comme la ceinture de sécurité. Au début, lorsque l’obligation est apparue, on la mettait pour éviter une amende. Maintenant on s’attache pour se protéger. Pour le devoir de vigilance, même si la loi a provoqué le mouvement, elle est aujourd’hui entrée dans les mœurs de l’entreprise ».

Enfin, le 10 mars dernier, le Parlement européen a adopté à une large majorité une position concernant le devoir de vigilance des entreprises sur leur chaîne d’approvisionnement. Le texte est destiné à contraindre les entreprises à identifier, traiter et corriger leurs impacts sur les droits humains et l’environnement, tout au long de la chaîne de sous-traitance. Il devrait peser auprès de la Commission européenne qui doit produire un projet de législation d’ici l’été.

Les députés souhaitent que toutes les sociétés opérant sur le sol européen, y compris les entreprises étrangères ou les PME cotées en bourse et à haut risque, puissent être condamnées en justice pour manquement à leur devoir de vigilance sur les risques environnementaux et sociaux. Et les sanctions administratives proposées incluent des lourdes amendes, l'exclusion des marchés et aides publics et l’interdiction d’importer certains biens. Enfin, les victimes de pays étrangers pourront demander réparation auprès des cours européennes.

Les États membres de l’Union européenne avancent cependant en ordre très dispersé sur la question. En France, le devoir de vigilance est très général mais ne s'adresse qu'aux très grandes entreprises. Aux Pays-Bas, le contrôle ne s'exerce que sur le travail des enfants. L’Allemagne vient de proposer un texte global, pour les grandes entreprises (plus de 1000 salariés) avec de fortes sanctions (jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires). Le chemin d’une directive européenne sur ce thème est donc encore parsemé d’embûches.

François LETT, Directeur du département éthique et solidaire