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La Fed et ses sœurs

Les données publiées en mai ont semblé montrer une inversion de la dynamique des économies américaine et européenne. La désinflation a repris son cours aux Etats-Unis, tandis qu’elle s’est mise en «pause» en zone Euro. Les chiffres d’activité ont également semblé indiquer un ralentissement au pays de l'Oncle Sam et un début de redressement sur le vieux continent.

D’autre part, après un resserrement monétaire des plus coordonnés, un cycle de desserrement asynchrone est peut-être sur le point d’émerger, notamment entre la BCE et la Fed, mais pas que…

Selon les données préliminaires, l’inflation totale en zone Euro est ressortie à 2,6 % sur un an en mai, après 2,4 % en avril. La version hors énergie et alimentation est quant à elle passée de 2,7 % à 2,9 %. Cette progression s’explique par des effets de base énergétiques moins favorables, mais aussi par un regain d’inflation dans les services, principalement en Allemagne. Si ces données ne constituent pas une bonne nouvelle, nous pensons néanmoins que cette « pause » dans la désinflation ne se prolongera pas et que la tendance demeure bien orientée. A contrario, la baisse de l’inflation américaine a repris son cours en avril, après un premier trimestre décevant.

L’activité a aussi bifurqué, à la faveur de la zone Euro. Notre scénario central table toujours sur un rebond économique plus franc au second semestre en Europe et un ralentissement séquentiel aux Etats-Unis. En parallèle, les éléments de langage utilisés par la Fed et la BCE ont également emprunté des chemins différents. Si la première prône toujours la patience, la seconde semble vouloir saisir l’opportunité d’agir plus précocement…

Le graphique ci-contre dresse l’évolution du couple chômageinflation coeur de plusieurs zones géographiques. Chacune des flèches se parcourt à partir de son point de départ fixé au 30/06/2022, jusqu’à sa pointe qui recense les données les plus récentes. En prenant pour exemple celle de la zone Euro, on constate que l’inflation a culminé aux alentours de 6 %, avant de retomber à ~3 %. La flèche est par ailleurs globalement restée sur son axe vertical. La désinflation s’est ainsi opérée sans augmentation du chômage. A contrario, la baisse de l’inflation au Canada s’est accompagnée d’une hausse tendancielle du taux de chômage, entraînant un décalage de la pointe de la flèche vers la droite. L’analyse de ce graphique met ainsi en exergue deux faits principaux. Premièrement, toutes les zones représentées n’en sont pas au même point en termes de désinflation. La zone Euro est plus avancée que d’autres, car la pointe de sa flèche se situe le plus en dessous sur l’axe vertical. Deuxièmement, certaines d’entre elles enregistrent désormais une hausse tendancielle du taux de chômage.

Nous avançons l’idée qu’un cycle de desserrement monétaire asynchrone se prépare, tant d’un point de vue du calendrier que dans l’ampleur des baisses à effectuer. 

Ces disparités mises en évidence, nous amènent sur le terrain de la politique monétaire. Si, pour lutter contre l’inflation, la plupart des banques centrales ont rehaussé leurs taux, à peu près au même moment et à peu près à la même cadence, force est de constater que la situation est dorénavant plus nuancée. D’une zone à l’autre, l’inflation n’est pas de même nature et ne baisse pas à la même allure, le niveau de restriction monétaire est plus ou moins conséquent, et la transmission du resserrement monétaire ne s’est pas faite ressentir de la même manière. S’il est fréquent de considérer que les banques centrales internationales se calent habituellement sur le comportement de la Fed, nous pensons que cette foisci est différente. Nous avançons l’idée qu’un cycle de desserrement monétaire asynchrone se prépare, tant d’un point de vue du calendrier (plus tôt ou plus tard) que dans l’ampleur des baisses à effectuer.

En zone Euro par exemple, une première baisse de taux avant la Fed semble actée, mais nous pensons que le risque qui plane est celui d’une inflation passant en dessous de sa cible. Plusieurs baisses seraient ainsi justifiées. La Banque d’Angleterre devrait agir peu de temps après, dans un contexte où l’emploi se dégrade par ailleurs. La Banque de Suède devrait poursuivre le mouvement initié en mai. La Banque du Canada pourrait quant à elle se montrer attentive à la hausse en tendance du chômage.

Nous ne manquerons pas d’en faire le bilan d’ici quelques mois…

Contenu rédigé par Florent Wabont, Economiste