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La dernière ligne droite

Qui sait si nous connaîtrons les résultats de l’élection présidentielle américaine au soir du 3 novembre. Tout est possible. Pour être réélu, Donald Trump devra gagner dans les États charnières de Floride et de Pennsylvanie.

Dans la mesure où une disposition locale permet de compter en avance les votes par correspondance, la Floride pourrait annoncer son vainqueur dès le soir des élections. Autrement dit, et sauf contestation, une défaite mettrait fin aux espoirs des partisans du milliardaire. En revanche, une victoire dans le « Sunshine State » porterait les regards vers la Pennsylvanie où le républicain accuse, selon plusieurs sondages, un retard sur Joe Biden au-delà de la marge d’erreur. La question est désormais de savoir si les candidats accepteront le verdict des urnes sans contestation, ce qui serait surprenant notamment de la part de Trump.

La pandémie de la Covid-19 ne donne pas de signaux de faiblesse ; l’Europe est durement frappée et des mesures de reconfinement sont décrétées, faisant craindre une redite du premier semestre. Même si les États font tout pour réduire au maximum l’impact de la crise sanitaire sur l’activité, l’arrivée de cette « 2ème vague » vient à un moment où les investisseurs sont à cran. Le risque est grand de voir l’économie rebasculer en récession rapidement, effaçant une grande partie des gains du 3ème trimestre (+12,7% en rythme trimestriel pour le PIB de la zone Euro). La volatilité a bondi (+10,5 point à 38%) sur la semaine, traduisant une anxiété croissante sur les marchés. Ce n’est donc pas une surprise si les indices ont clôturé dans le rouge, malgré la publication de comptes nationaux au-delà des attentes au 3ème trimestre.

En effet, alors que les investisseurs digéraient la déception d’une absence d’accord sur un plan de relance aux États-Unis, ils doivent désormais composer avec un début de révision à la baisse des bénéfices par action suite à la résurgence des cas de Covid-19. Ainsi, sans attendre un inéluctable plan de relance, peu importe le vainqueur, les investisseurs ont nettement allégé leurs positions en actifs risqués. Les indices S&P 500 et Dow Jones ont ainsi cédé respectivement 5,6% et 6,5% sur la semaine. Le recul est encore plus fort en Europe (DAX : -8,6%), où le profit warning de SAP s’est ajouté à la morosité ambiante.

Ce contexte difficile aurait dû profiter aux marchés obligataires souverains et aux métaux précieux, mais les préoccupations des investisseurs sur les conséquences de la pandémie ont fini par avoir raison du « flight to quality ». Ainsi, aux États-Unis, les investisseurs commencent à redouter l’impact des plans de relance à répétition sur l’inflation, surtout en cas de « vague bleue » démocrate avec une bascule du Sénat. En Europe les investisseurs espèrent assister à une bonification des plans de relance contre la Covid-19, comme l’a suggéré le Président Macron. Cela s’est traduit par une légère sous-performance obligataire (cf. taux à 10 ans) des pays cœur (Allemagne : - 4 pdb, à -0,63% ; Pays-Bas : -5 pdb à -0,57%) par rapport aux pays récepteurs de l’aide (Espagne : -6 pdb à 0,08% ; Portugal : -8 pdb à 0,10%). La surperformance des pays périphériques peut aussi s’expliquer par les conséquences d’une non-dégradation de la notation souveraine de l’Italie par l’agence Standard&Poor’s.

Il n’est pas certains que les pays frugaux l’entendent ainsi. Il y a donc fort à parier qu’une extension du plan de 750 milliards d’euros fasse encore l’objet de tractations et chantages, surtout avec l’arrivée d’élections législatives aux Pays-Bas. Dans cette perspective d’absence d’impulsion budgétaire nouvelle dans la zone Euro, le pétrole a encore dévissé (-10,3% à 37,4$ pour le Brent) et l’euro a cédé beaucoup de terrain contre le dollar (-1,8% pour finir la semaine à 1,165$), ce qui est peu fréquent en période d’élections. Le billet vert a été soutenu, en plus de l’aversion pour le risque, par les excellents chiffres de la croissance au T3. L’envol du PIB de 33,1% en rythme annualisé a été rendu possible par une forte contribution de la consommation et de l’investissement privé. En contrepartie de la bonne orientation de la dynamique interne, le déficit commercial s’est creusé, apportant une contribution négative du solde externe. Nous pensons que cette tendance baissière du dollar devrait reprendre une fois l’incertitude électorale levée aux États-Unis.

Karamo KABA, Directeur de la recherche économique