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La Chine à la croisée des chemins

En début de semaine dernière, la Banque Populaire de Chine (PBoC) a baissé de 0,25 % le taux de référence des prêts à 5 ans, prenant de court les attentes qui tablaient sur un mouvement plus modeste. Malgré la crise de confiance que subit actuellement la Chine, les autorités ne s’étaient, jusque-là, pas montrées aussi déterminées. Est-ce un tournant pour l’économie chinoise ?

En janvier, l’inflation totale (incluant énergie et alimentation) en Chine est ressortie à -0,8 % sur un an, son plus bas niveau depuis septembre 2009. Contrairement aux pays développés et à la plupart des pays émergents, la Chine est donc frappée par la déflation (baisse des prix). Ce phénomène résulte de la combinaison des distorsions induites par la pandémie – les confinements s’étant prolongés dans cette région –, de la volonté de désendettement des autorités chinoises, des difficultés du secteur immobilier et du changement de modèle de croissance (recentré notamment sur la consommation domestique) voulu par Xi Jinping. En ouvrant une parenthèse sur les pays développés, il est même possible d’envisager qu’une partie de la désinflation (moindre augmentation des prix) opérée dans cette partie du monde, l’ait été grâce à l’importation de la déflation chinoise.

En 2023, la croissance du PIB a dépassé les objectifs fixés par le gouvernement chinois (5 %), mais il n’en demeure pas moins qu’elle reste inférieure au sentier de croissance pré-Covid. Les déterminants de cette « faible » croissance sont bien connus. L’immobilier, qui représentait ~30 % du PIB, est englué dans une crise qui n’en finit pas, à tel point qu'il est devenu un puissant détracteur. Nombreux sont les témoignages et images rapportées, d’immeubles ou de centres commerciaux vides ou commencés et non terminés. A cet égard, rappelons que les difficultés de ce secteur ont été orchestrées par le gouvernement lui-même, lors de la mise en place des « trois lignes rouges » à ne pas dépasser en matière d’endettement (« 3RL regulation ») pour les promoteurs immobiliers. Depuis, les déboires s’accumulent.

Dans l’exercice de ses fonctions, la PBoC dispose de plusieurs outils pour stimuler l’économie. Dans ce cadre, elle a décidé d’abaisser, il y a quelques semaines, les réserves obligatoires pour les banques commerciales, afin de les inciter à prêter davantage. Puis, de manière plus marquante, la semaine dernière, avec la réduction de 0,25 % du taux de référence bancaire à 5 ans, qui se situe désormais à 3,95 %. Ce dernier servant notamment d’ancrage aux taux hypothécaires, l’ambition de soutenir le secteur immobilier est donc clairement affichée. Ces mesures s’inscrivent également dans le sillage de plans de soutiens budgétaires annoncés par le gouvernement au cours des mois précédents. Toutefois, ces annonces semblent malgré tout encore assez timides, au regard de l’ampleur des difficultés à affronter et de la dégradation continue des métriques du marché immobilier.

Cette volonté de venir « au secours » de son économie n’est pas étrangère à la crise de confiance que traverse la Chine. L’un des symboles de celle-ci est la contre-performance notable des marchés d’actions et le questionnement des investisseurs étrangers sur le caractère « investissable » de la zone. Autre symbole, celui du record atteint par la Bourse japonaise, au plus haut depuis 1989, qui représente depuis quelque temps une forme d’alternative à la Chine. Cette crise n’est pas non plus sans faire écho aux événements de 2015, où après un krach boursier estival, la confiance des investisseurs à l’égard de la Chine s’était brutalement retournée. La PBoC était alors intervenue.

Le caractère paradoxal de ces réponses interroge néanmoins. Probablement conscient des conséquences, les autorités chinoises ont souhaité désendetter le secteur immobilier. Les mesures de soutien s’enchaînent désormais. Si les annonces surprises venaient à se multiplier en 2024, les « risques » sont un rebond de la croissance des pays développés et un regain d’inflation inopiné. Nous n’en sommes pas encore là, mais ce scénario alternatif est à surveiller.

Enfin, pour l’anecdote, notons que l’année 2024 est celle du dragon de bois dans le calendrier chinois et que celui-ci est considéré comme l’animal le plus chanceux du zodiaque…

Contenu rédigé par Florent Wabont, économiste chez Ecofi.