Les spéculations autour des agissements possibles de la BCE se sont intensifiées tout au long du mois. Et ce, au regard du « ton » de la réunion du 20 juillet dernier, au gré des prises de paroles ainsi que des statistiques économiques parues jusque-là. Le 14 septembre, l’institution a finalement décidé de rehausser ses taux de 0,25 %. Nous dressons ci-après notre analyse et nos anticipations.
Les indicateurs coïncidents et avancés de l’activité se dégradent de mois en mois. Cela concerne aussi bien les données réelles (consommation, production industrielle…) que le sentiment des entreprises. L’inflation est quant à elle toujours élevée et son évolution, bien que favorable grâce aux effets de base énergétiques, demeure incertaine. En particulier, compte tenu de l’accroissement récent des cours des matières premières.
C’est dans ce contexte, que la BCE a décidé de relever ses taux directeurs de 0,25%. Le taux de facilité de dépôt se situe désormais à 4%, soit son niveau le plus haut depuis la création de l’euro. Avant cette réunion, les investisseurs étaient partagés entre une hausse et une pause. Le comité du 20 juillet dernier avait plutôt été jugé colombe, à l’inverse de celui qui l’a précédé. Quelques jours avant la décision prise jeudi dernier, une « fuite » publiée par un média semblait finalement faire état d’une hausse à venir. Dans son discours, Christine Lagarde a souligné les progrès observés en matière de lutte contre l’inflation. Ces derniers restent néanmoins insuffisants et l’incite donc à ne pas déclarer victoire. Les économistes de la BCE ont également révisé à la hausse leurs prévisions d’inflation totale (incluant énergie et alimentation) pour 2023 et 2024 et à la baisse leurs projections de croissance sur la même période.
Dans son discours, Christine Lagarde a ensuite indiqué que toutes les options restaient ouvertes. Aussi bien une pause, qu’une nouvelle hausse. Ni vraiment colombe, ni vraiment faucon, la BCE a surtout insisté sur sa volonté de ne pas baisser les taux de sitôt.
Dès lors, qu’anticiper pour la suite ?
👉 La 1ère question à se poser est celle de la nature des pressions inflationnistes. La pandémie, puis la guerre en Ukraine, ont engendré deux chocs d'offre. L’inflation s’est alimentée d’une détérioration des termes de l’échange, des tensions logistiques mondiales et de l’évolution des matières premières. Se sont ensuite ajoutés des facteurs de demande. La reprise économique post-pandémie a entraîné la croissance du PIB au-delà de son potentiel. Le marché du travail s’est tendu et les hausses salariales ont été marquées. A ce stade des événements, les chocs d’offre passés ont commencé à s’estomper, comme en témoigne l’affaiblissement de la contribution des biens manufacturés et des produits énergétiques. Cette situation semble toutefois précaire, au regard de la récente progression des prix du pétrole. Selon nos estimations, la décélération de l’inflation cœur (hors énergie et alimentation) devrait se poursuivre, tout en restant à des niveaux élevés pendant plusieurs mois encore. La dégradation des fondamentaux économiques constitue en revanche un facteur de désinflation.
👉 La 2ème question est celle du caractère restrictif de la politique monétaire. Par définition, le taux « neutre » – celui qui n'entraîne ni surchauffe, ni refroidissement de l’économie – est inobservable. Il est extrait à l’aide de méthodes statistiques en utilisant notamment la tendance de croissance du PIB. Un voile d’incertitude entoure donc l’estimation de cette variable, pourtant cruciale. Dépasser le taux neutre signifie entrer en territoire restrictif. Ce seuil a récemment été franchi selon nous.
👉 Enfin, la 3ème question est celle de la durée de la période de restriction monétaire. Si, comme nous le pensons, la sensibilité de l’économie aux taux d’intérêt a été temporairement amoindrie, il n’y a pas de justification à la baisse rapide des taux directeurs.
A moins que la situation économique ne se dégrade encore davantage que nos prévisions – déjà plus pessimistes que le consensus – la BCE devrait privilégier son mandat de stabilité des prix. Il est en outre probable que la hausse du 14 septembre soit la dernière ou bien la pénultième...
Contenu rédigé par Florent Wabont, économiste chez Ecofi.