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Inflation, banque centrale… analyse du patient anglais

Dans le cycle actuel, la situation économique du Royaume-Uni interroge. Elle partage à la fois des traits communs avec la zone Euro et les Etats-Unis, tout en étant relativement différente.

Une banque centrale qui a relevé ses taux plus tôt, une inflation plus élevée, une progression salariale plus soutenue… en sont quelques exemples. Peut-on, malgré tout, extraire quelques signaux utiles à l’analyse des autres pays développés ?

L’inflation totale (incluant énergie et alimentation) est ressortie à 6,7% sur un an en septembre, inchangée par rapport au mois d’août et au-dessus des attentes du consensus. L’inflation cœur est quant à elle passée de 6,2% à 6,1% sur la même période. Outre des niveaux absolus plus élevés comparativement à la zone Euro et aux Etats-Unis, l’accélération des prix de la catégorie des services est aussi exacerbée. Pour expliquer ce phénomène, il faut se tourner du côté de la dynamique des salaires. En calculant la moyenne des trois derniers mois, ceux-ci ont progressé de 8,1% sur un an en août? contre 8,5% en juillet. Hors bonus, cette appréciation est restée stable, à 7,8%. A titre de comparaison, les salaires en zone Euro et aux Etats-Unis oscillent entre ~4% et 6% selon les méthodologies retenues. Les pressions inflationnistes sont plus fortes au Royaume-Uni, c’est un fait. Elles conjuguent à la fois le choc énergétique encaissé par la zone Euro, une tension sur le marché du travail quelque peu similaire à celle observée outre-Atlantique, mais aussi des facteurs liés au Brexit. Ce n’est pour autant pas sur ce terrain que l’on perçoit les signaux recherchés, puisqu’en décortiquant les données, on constate que l’inflation semble en passe d’opérer un tournant au pays du Roi Charles III.

Du côté de l’activité économique, c’est plus ou moins le même son de cloche. Les chiffres publiés la semaine passée montrent que le PIB a stagné au 3ème trimestre. La dynamique de croissance résiste un tout petit peu mieux qu’en zone Euro, mais beaucoup moins qu’aux Etats-Unis. Le secteur manufacturier décroche et celui des services commence à lui emboîter le pas.

L’analyse du marché du travail est en revanche plus instructive. Bien qu’assez volatiles, les données de l’emploi se détériorent progressivement. Les créations de postes se rétractent, les intentions d’embauche se sont taries et le taux de chômage est en légère augmentation. Les enquêtes de conjoncture soumises aux entreprises le montrent également, par le biais de la composante « emploi » qui se situe en territoire de contraction.

Si ce phénomène demeure relativement contenu en termes d’ampleur, il n’a toutefois pas encore tout à fait son équivalent outre-Atlantique et en zone Euro. Pour ces deux dernières zones, le marché du travail se refroidit, mais pas dans les mêmes proportions qu’en Grande-Bretagne. Lors d’une précédente publication, nous avions développé l’idée d’une différenciation géographique en termes de transmission de la politique monétaire. Les Etats-Unis étant à ce stade les moins sensibles au resserrement monétaire (excès d’épargne, refinancement à taux fixe sur des maturités longues…) et l’économie britannique celle susceptible d’être affectée le plus rapidement en raison de sa plus grande dépendance aux taux variables. La dégradation du marché de l’emploi est une indication que les hausses des taux directeurs passées se ressentent désormais davantage.

Lors de ses réunions des mois de septembre et novembre, la Banque d’Angleterre (BoE), qui a débuté son cycle de resserrement monétaire fin 2021, a bien tenu compte de la situation. Elle a décidé de laisser sa politique monétaire inchangée, réagissant à l’emploi et à la décélération de l’inflation.

En dépit de ces éléments, le dilemme demeure. Que doivent faire les banques centrales lorsque l’emploi se détériore concomitamment à une inflation qui décroît lentement à partir de niveaux élevés, et dont l’évolution est somme toute incertaine ? C’est bien ici que se trouvent les signes avant-coureurs. Nous l’avons compris, ce cycle économique est atypique. Les autorités monétaires viennent d’entrer dans une phase de pause, le temps pour elles d’observer les effets de leurs actions sur l’activité et l’inflation. Les prochains mois nous diront si les autres pays développés devront faire face aux débuts des mêmes maux. En attendant, seront publiés cette semaine les rapports de l’emploi et de l’inflation au Royaume-Uni...

Contenu rédigé par Florent Wabont, économiste chez Ecofi