De fin 2019 à juin 2022, les prix de l’immobilier résidentiel américain ont cumulé une hausse de 43 %, selon l’indice S&P/Case-Shiller U.S. National Home Price. Ce phénomène ne s’est pas cantonné qu’aux Etats-Unis. On observe en effet de fortes progressions, au Canada, en Australie, en Suède, ou encore au Royaume-Uni. Plusieurs facteurs ont contribué à ce phénomène, dont : (i) la faiblesse des taux d’intérêt en raison des politiques monétaires accommodantes, (ii) la généralisation du télétravail et la « relocalisation » de certains citadins, ainsi que (iii) l’excès d’épargne constitué pendant la crise sanitaire.
La hausse des prix a ainsi concerné de nombreuses régions du monde et, fait marquant, sans que celle-ci n’ait été accompagnée d’une forte augmentation de l’endettement. Selon les données de l’OCDE, le ratio rapportant la valorisation immobilière au revenu des ménages s’est par ailleurs établi à des niveaux records pour plusieurs pays, non loin de ceux connus avant la crise de 2008.
Dans le sillage du resserrement des politiques monétaires, la seconde partie de l’année 2022 a toutefois été marquée par l’inflexion de cette dynamique.
Aux Etats-Unis, l’activité a déjà été touchée. Les ventes de maisons neuves et anciennes se sont contractées respectivement de 27 % et 34 % en 2022, et une tendance similaire s’observe sur les mises en chantier. Au quatrième trimestre 2022, l’investissement résidentiel a, dans ce contexte, amputé 1,3 % à la croissance du PIB américain. D'autre part, les ménages sont principalement endettés à taux fixe. Le taux d’emprunt immobilier à 30 ans est passé de 3,1 % fin 2021 à 6,4 % fin 2022 et a même réaccéléré la semaine dernière, accentuant la pression sur les prix (via la baisse de la demande) et les nouveaux acquéreurs. Ce cycle est cependant atypique. Le secteur de la construction est l’un de ceux dont la force de travail s’ajuste le plus rapidement face aux fluctuations économiques, ce qui en fait un indicateur avancé du retournement de l’emploi et un signe précurseur de récession. Toutefois, la tension sur le marché du travail (~2 offres d’emploi/chômeur), couplée à l’allongement des délais de livraison pour les chantiers précédents n'incitent pas les entreprises à licencier du personnel. Plus récemment, l’indice de confiance des constructeurs immobiliers a même rebondi depuis des plus bas historiques – habituellement constatés en période de récession – pour le deuxième mois consécutif, alimentant ainsi l’idée d’une dégradation de moins en moins prononcée au cours du second semestre 2023.
En Europe, la situation est différente. Les pays pratiquant les taux variables pâtissent de la hausse de ces derniers, qui grignote le pouvoir d’achat des ménages et accélère la détérioration de l’environnement économique. Au Royaume-Uni, les taux d’emprunt ont quasiment doublé. Les pays nordiques sont également affectés. En zone Euro, la modalité des taux fixes prédomine et, à cet égard, les variations du coût de l’emprunt mettent plus de temps à se diffuser. En dépit de cela, l’activité immobilière commence à se tendre, comme en témoignent les statistiques du ministère du Logement en France ou celles d’une importante association bancaire en Allemagne.
Une enquête de la BCE publiée récemment suggère en parallèle que la demande de prêts immobiliers a chuté et que les conditions de crédit se durcissent. Le stock de dettes préexistantes a néanmoins été contracté sur des maturités longues, et son « renouvellement » sera graduel. Bien que le déficit structurel d’offres de logements n’ait pas disparu, la tension à la baisse sur les prix pourrait se poursuivre, et ainsi induire un effet richesse négatif pour les ménages.
La situation actuelle du marché immobilier ravive les vieux fantômes de 2008, mais ce cycle s’avère assez différent. Les Etats-Unis ont déjà été sensiblement pénalisés et une tentative de stabilisation de l’activité semble s’initier, tandis qu’un affaiblissement se manifeste depuis quelques mois en zone Euro.
Florent WABONT Économiste
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