Dans cet espace, la rédaction d’ID n’exerce pas de droit de regard sur les informations disponibles et ne saurait voir sa responsabilité engagée.
©Pixabay/image4you
INFO PARTENAIRE

Guerre et ... prix

A mi-course, l’année 2022 restera déjà dans les annales comme profondément adverse pour les actifs financiers, à l’exception des matières premières.

Avec un contexte de multiplicité de chocs, la guerre Ukraine-Russie en cygne noir. A titre d’exemple, le UST Note 10 ans affiche sur le début d’année la pire performance constatée depuis la fin du 18ème siècle. Pour le S&P 500 il faut revenir aux années 70, pour le Dow Jones Industrial Average aux années 60 et à sa création pour le Nasdaq.

On le voit, cette année est frappée d’incertitudes majeures, rendant difficile l’exercice de prévisions économiques et financières, point d’ailleurs souligné par les banques centrales. Le risque de récession a fortement augmenté ces dernières semaines et continue d’augmenter.

Trois chocs frappent le monde : (i) la guerre en Ukraine pousse l’Europe dans la récession ; (ii) les blocages en Chine entraînent une baisse notable de l’activité ; (iii) le durcissement monétaire et budgétaire aux Etats-Unis commence à peser sur le marché immobilier, même si les prix restent élevés.

En retard, peut-être à contrecœur, les banques centrales se sont résolues à frapper fort pour contrecarrer une inflation en forte progression partout dans la monde, au risque de briser les perspectives de croissance pour 2022. Cette stratégie passe par une politique de réduction de la liquidité et de durcissement des conditions financières via notamment des hausses de taux directeurs. Les prévisions de croissance pour 2022 se sont affaiblies ce semestre, passant de 4,4 % à 3,2 %, alors que les prévisions d’inflation continuent de progresser (de 3,9 % à 6,7 %). Ces tendances sont toujours à l’œuvre. On estime que le pic d’inflation pourrait arriver en septembre pour la zone US et en décembre pour la zone Euro. Le reflux sera lent et ne permettrait pas de retour en zone de confort avant 2024.

Dans les bonnes nouvelles, on regarde du côté de la Chine - et de l’Asie - avec l’espoir d’une diminution rapide et durable des restrictions sanitaires. On note également un mouvement de détente sur des indicateurs de tensions (fret, métaux ferreux, délais de livraison), même si les prix de l’énergie (pétrole, gaz, électricité), des denrées agricoles et des engrais restent à des niveaux de cherté extrême avec des craintes pour l’avenir. Dans ce contexte, l’Europe reste un point de faiblesse du fait de sa dépendance aux prix de l’énergie et des risques de pénurie d’approvisionnement.

La consommation pourrait décliner en raison de la perte de revenu réel, sauf à ce que le taux d’épargne baisse. Au final, la bonne dynamique de l’emploi reste le seul moteur de soutien à l’activité, alors que les perturbations de chaîne d’approvisionnement perdurent et que les coûts de production s’envolent.

LA FORTE BAISSE DES MARCHÉS FINANCIERS DOIT ÊTRE RELATIVISÉE, MÊME SI LA SITUATION ÉCONOMIQUE VENAIT À SE DÉGRADER DAVANTAGE.’’

Les actifs risqués, en forte baisse, indiquent des probabilités implicites de récession très fortes alors que les actifs sans risque indiquent des probabilités implicites de récession faibles. Cela traduit la perte de repères des investisseurs et la communication à vue des banquiers centraux. Aussi, la forte baisse des marchés financiers doit être relativisée, même si la situation économique venait à se dégrader davantage. Pour autant, tant que le niveau terminal de taux courts (dicté par l’action de resserrement des banques centrales) n’est pas fixé et que les craintes de récession en 2023 ne sont pas écartées, les capacités de rebond des marchés semblent limitées pour cet été.

Nous prévoyons que la Fed procédera à une hausse des taux de 75 points de base (pbs) en juillet, de 50 pbs en septembre et de 25 pbs en novembre et décembre. Nous tablons sur un taux des Fed funds de 3,25 %-3,5 %, soit proche du pic du cycle de resserrement. Nous nous attendons à ce que la BCE fasse une hausse de 25 pbs en juillet, suivie de hausses de 50 pbs en septembre et octobre, puis de 25 pbs en décembre. Nous tablons sur un taux de 1,50 % (refi rate), inférieur à la cible terminale, estimée pour 2023 à 1,75 % voire 2,00 %.

Cela pourrait finalement déporter le problème sur la dette publique et privée, alors que les besoins de financement restent considérables au regard des enjeux climatiques et de reconversion de l’industrie et des transports. Le « quoi qu’il en coûte » n’est pas éternel.

Olivier GUILLOU, Directeur de la gestion