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G7 et match ?

Trop souvent, on emploie à chaud le qualificatif d’exceptionnel ou d’historique pour des faits qui se révèlent en fin de compte sans grande importance. S’agissant du récent engagement des ministres des Finances du G7 en faveur d’un impôt mondial sur les sociétés, ce terme est loin d’être usurpé.

En effet, en gestation depuis près d’une décennie avec des travaux engagés au sein de l’OCDE, certains commençaient à douter de la viabilité de ce projet de taxation des multinationales. Et comme souvent, la clé est venue des Etats-Unis avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche. Certes, le taux retenu « d’au moins 15% » est encore loin de satisfaire tout le monde mais cette étape constitue déjà en soi une avancée importante.

Ainsi, avec un impôt mondial minimum à 15 %, une multinationale française qui serait taxée à 10 % dans un paradis fiscal devra s’acquitter du différentiel de 5 % auprès de l’État français. Cela devrait permettre aux Etats d’augmenter leurs recettes fiscales d’au moins 48 milliards d’euros par an pour l’Union européenne, dont 4 milliards pour la France. Cette étape n’est clairement pas une bonne nouvelle pour les géants de la technologie à qui plusieurs pays (France, Royaume-Uni, Italie, Espagne) ont déjà essayé d’imposer, sans succès, une taxe sur le numérique. Pour autant, ces derniers n’ont pas souffert tant que ça (+0,6% pour l’indice Nasdaq, à 13 767 points).

Cette bonne orientation des valeurs technologiques s’explique par le fait qu’une taxation mondiale minimale ne devrait pas devenir une réalité avant plusieurs années. Pour cela, il faudra que le G20, mais aussi les 140 pays impliqués dans ce projet au sein de l’OCDE, s’alignent sur le G7. Ceci est loin d’être gagné tant les disparités sont grandes entre les pays (12,5 % en Irlande contre une moyenne de 21,5 % au sein de l’Union européenne).

De manière générale, les valeurs technologiques ont aussi profité de la décrue des craintes d’un durcissement prématuré de la politique monétaire de la Réserve fédérale (Fed) sur fond de dérapage inflationniste, surtout après la nouvelle déception concernant le marché du travail. En effet, alors que le consensus tablait sur 1 million de postes supplémentaires, le Rapport d’emploi de mai n’a fait état « que » de 559 000 créations nettes. Cette déception est la traduction du ralentissement des embauches dans l’industrie (avec seulement 23 000 postes en plus, dont 20 000 destructions nettes dans la construction) et dans les services (489 000 emplois créés).

Une telle évolution est en totale contradiction avec le message d’accélération envoyé par les indicateurs avancés. L’ISM du secteur manufacturier a une nouvelle fois progressé (+0,5 en mai, pour s’établir à 61,2 points), poussé à la hausse notamment par des composantes « commandes » à un pic historique. De son côté, l’ISM dans les services (+1,3 en mai pour atteindre 64 points) a établi un nouveau record historique. Cela n’a pas suffi à faire remonter les rendements sur les marchés obligataires aux Etats-Unis, où le taux à 10 ans a cédé 4 points de base sur la semaine (à 1,5568%).

Pourtant, la problématique de l’inflation demeure plus présente que jamais, surtout depuis que la publication du Beige Book de la Fed a confirmé l’existence d’importants goulets d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement et aussi des difficultés de trouver de la main-d’œuvre qualifiée. En plus de cela, le pétrole a poursuivi son ascension (+4,3% pour le Brent, à 71,71 dollars) suite aux relèvements des prévisions de croissance et de la décision des pays de l’OPEP+ de ne pas augmenter l’offre.

Les taux européens ont accompagné la décrue des taux américains, à l’exception de ceux de la Suisse (+7 points de base - pbs - pour le rendement du 10 ans, à -0,1278%). Il faut dire que la Suisse, où le taux de l’IS est de 14,9%, pourrait perdre en attractivité si l’impôt minimal mondial voyait le jour. Même les pays « périphériques » en ont profité (-4 pbs pour le 10 ans italien, à 0,8793%), aidés aussi par la fin du processus de ratification par les différents parlements du plan de relance européen. La Commission européenne pourra donc prochainement emprunter 750 milliards d’euros sur les marchés obligataires et les redistribuer aux Etats les plus en difficultés sous forme de prêts ou de subventions. Cela a participé à la réduction du spread avec l’Allemagne.

Karamo KABA, Directeur de recherche économique