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INFO PARTENAIRE

Fed : une pause s’impose ?

Aux États-Unis, nous sommes passés en quelques mois d’un narratif de resserrement monétaire rapide et agressif à celui d’une pause, voire même à l’anticipation par les investisseurs d’une baisse des taux directeurs. La situation économique justifie-t-elle ce revirement de situation ? Une pause s’impose-t-elle vraiment pour la Fed ?

Pour reprendre l’expression de John Williams, président de la Fed de New York, l’inflation observée aux États-Unis s’apparente aux « couches » d’un oignon. Les premières d’entre elles s’effritent peu à peu. Les tensions logistiques s’amenuisent nettement, la forte consommation de biens durables s’est ralentie et les prix des matières premières refluent. Reste le déséquilibre sur le marché du travail. Avec les statistiques publiées la semaine dernière, on dénombre toujours 1,7 offres d’emploi par chômeur à fin novembre, soit un peu moins que le plus haut de 2 atteint en mars dernier. La progression salariale qui en découle s’est certes apaisée – même si les différentes mesures disponibles affichent une forte hétérogénéité – mais pourrait contribuer à maintenir une inflation élevée en 2023 sur la catégorie des services hors immobilier (services médicaux, restauration, loisirs…).

En outre, le marché du travail ne montre aucun signe de faiblesse. Le taux de chômage se situe à un plus bas historique (3,5 %), le rythme des créations d’emplois demeure robuste, et le nombre de bénéficiaires aux allocations chômage ne progresse que très peu. Les signaux que nous extrayons de ces indicateurs, pris isolément ou en les transformant, ne suggèrent pas l’imminence d’une récession. Les dernières « couches » de l’oignon devraient donc être les plus retorses. Que ce soit pour l’inflation totale (+7,1 % sur un an en novembre) ou bien pour l’inflation cœur (6 %), la décélération a déjà commencé depuis les points hauts enregistrés respectivement en juin et septembre. De manière purement statistique, le risque d’un changement de régime de volatilité subsiste cependant. A-t-on passé « le » pic ou « un » pic ?

La crainte est la répétition des « faux départs » constatés dans les années 70 et 80, dont la situation actuelle partage certains traits communs. Cette période fût également marquée par la naissance d’un conflit entre pays limitrophes et par des chocs d’offre ayant engendré une forte hausse des prix du pétrole et des denrées alimentaires. Plusieurs différences existent néanmoins, peu évoquées par les commentateurs, parmi lesquelles l’expérience, l’évolution de l’état de l’art et l’indépendance des banques centrales vis-à-vis du pouvoir politique figurent en premier chef. L’environnement budgétaire est également très différent. Les présidents Nixon, Carter et Reagan ont, durant cette période, opéré une politique fiscale expansionniste, à des fins électorales pour certains d'entre eux. L’administration Biden n’est aujourd’hui pas encline à mettre en place de telles mesures, ni même à influencer les actions menées par Jerome Powell.

Revenons sur la réaction de la Banque centrale américaine. Selon la littérature économique, le temps nécessaire à la transmission de la politique monétaire au sein de l’économie réelle s’étale sur de nombreux trimestres. Plusieurs voix au sein de la Fed plaident désormais pour une diminution de l’ampleur des hausses de taux (de 0,5 à 0,25 %), suivie par une phase d’observation et d’évaluation, lorsqu’un niveau de taux directeur suffisamment restrictif aura été atteint. Cela nous amène, une nouvelle fois, sur le débat du taux terminal, évalué aujourd’hui à un peu plus de 5 % par les membres de la Fed. Concernant le « totem » des 2 %, un élément attire notre attention. En 2020, la Fed a modifié les objectifs de son mandat, en intégrant la notion d’inflation moyenne de 2 % sur longue période, tout en mettant l’emphase sur le fait de favoriser un taux d’emploi maximum inclusif. Il paraît ainsi probable qu’au cours de l’année, la Fed s'accommode (dans un premier temps) d’une inflation aux environs de 3 %-3,5 %, au risque de devoir consentir à un sacrifice trop coûteux sur le marché de l’emploi.

À moins d’une énième mauvaise surprise et quand bien même le « timing » demeure incertain, une nouvelle phase semble bien se préparer.

Florent WABONT, Économiste