Bien qu’aucune majorité claire ne se soit dégagée, les résultats mettent cependant en évidence une assemblée sans déséquilibre important. NFP (alliance de partis de gauche) a remporté le plus grand nombre de sièges (182). Le groupe Ensemble, de la coalition présidentielle, en emporte 168. Le RN (et ses alliés) obtient 143 sièges. Le « jour d’après » reste désormais suspendu à la composition du nouveau gouvernement. Au regard des sondages, les marchés avaient quant à eux évacué le scénario d’une majorité absolue pour l’un des blocs. L’écart entre les taux à 10 ans français et allemand s’était ainsi détendu depuis son point haut des derniers jours à ~0,82 % et se situe autour de ~0,65 % ce matin. Le stress sur les actions a perdu en intensité et demeure encore circonscrit aux valeurs françaises.
Comme dans l'analyse précédente, l’aspect politique doit d’être complété par le contexte économique et monétaire.
La France n’a pas connu de récession technique (i.e. deux trimestres consécutifs de contraction du PIB) en 2023, mais le diable se cache dans les détails. Ces derniers trimestres, la croissance du PIB français a principalement résulté de dépenses gouvernementales en excès par rapport à la tendance habituelle ainsi que d’un effet net positif du commerce extérieur (exportations > importations). Au regard de ce dernier élément, il n’est donc pas étonnant de constater que la consommation des ménages est restée timide, tout comme les dépenses d’investissements. L’inflation a grignoté les revenus réels, tandis que les hausses de taux ont dissuadé l’investissement et le recours à l’emprunt.
Avant l’annonce de la dissolution, une embellie conjoncturelle commençait à se former, grâce au redressement de la confiance des agents économiques, la baisse de l’inflation et à la perspective des baisses de taux par la BCE. Les récentes enquêtes montrent que le sentiment a fléchi en juin. Il est néanmoins difficile d’inférer sur un quelconque effet élections. A minima, ces données incitent à la prudence.
Dans un contexte d’instabilité politique, plusieurs risques s’imposent à la France. À court terme, que la crise politique se transforme en crise de confiance généralisée, ce qui mettrait en péril ce début de reprise observé jusqu’ici. Ensuite, que la trajectoire du déficit soit compromise. Notons à cet égard qu’un effort budgétaire conséquent est nécessaire pour se conformer aux exigences européennes d'ici 2027. À moyen-long terme, que l’économie française décroche durablement, si les défis structurels ne sont pas adressés, notamment la faiblesse de la productivité du travail.
S’agissant de l’aspect monétaire, rien de nouveau. La BCE, par la voix de Christine Lagarde, n’a pas souhaité s’« étaler » sur le cas français, indiquant que l’institution n’avait pas pour vocation de régler les problèmes de politique intérieure. Bien sûr, des outils existent, pour enrayer une éventuelle crise de la dette, mais nous en sommes très loin. Nous continuons d’anticiper une pause dans la baisse des taux lors de la réunion du 18/07, en raison notamment de la dynamique salariale observée récemment. La BCE devrait néanmoins reprendre le mouvement à partir de septembre. Les données en provenance des Etats-Unis, conformes à notre scénario de début d’année, militent également de plus en plus pour ajustement de politique monétaire à venir. Ces éléments participent à l’idée qu’une modeste détente des taux d’intérêt de marché est à anticiper, mais surtout que la probabilité qu’ils augmentent fortement à partir de maintenant est faible (cf. lien avec les paragraphes ci-dessus).
Les marchés ont écarté les « pires » scénarios les concernant. L’analyse à chaud des résultats au lendemain des élections ne saurait toutefois ôter le voile d’incertitude qui s’est levé. Il conviendra à cet égard, de rester attentif à la prime de risque sur la signature française, qui devrait rester structurellement plus élevée. Si le contexte monétaire semble en revanche plutôt favorable, la lecture de la dynamique économique française, fait apparaître des risques latents…
Contenu rédigé par Florent Wabont, Économiste