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Docteur Pangloss vs Docteur Doom

Sur les marchés financiers, les avis divergent régulièrement. Les auteurs du « Triomphe des optimistes » (publié en 2002) ont par exemple démontré qu’une exposition aux actions est créatrice de valeur sur le long terme et ce, malgré les chocs successifs. A l’opposé, les « cassandres » se font également souvent entendre dans les médias, en annonçant l’imminence d’un krach et en incitant les investisseurs à la prudence, parfois à juste titre. En prenant le parti de ne pas véritablement prendre position, nous avons décidé cette semaine de faire un détour « décalé » afin de symboliser les forces en présence actuellement.

Dans Candide de Voltaire, le Docteur Pangloss est un personnage caractérisant l’optimisme béat. Le Docteur Doom est quant à lui issu de l’univers Marvel et représente le catastrophisme et la désolation, mais c’est aussi le surnom donné aux pessimistes en bourse.

Qui est le plus audible aujourd’hui ?

Mardi dernier sortait le rapport d’inflation américain pour le mois d’octobre. Il aura suffi de chiffres un peu meilleurs qu’escompté pour entraîner un rallye boursier. Sur la journée du 14 novembre, les actions européennes (Stoxx Europe 600) ont ainsi enregistré une hausse de 1,35 % (en €), leurs homologues américains (S&P 500) se sont appréciées de 1,93 % (en $), dont +2,26 % pour les « 7 magnifiques » – valeurs prépondérantes au sein de l’indice américain, principalement liées à la thématique de l’intelligence artificielle. Surtout, de nombreux segments de marché mal aimés depuis le début de l’année ont instantanément retrouvé la faveur des investisseurs. Parallèlement, les taux d’intérêt ont poursuivi leur détente, octroyant aux actifs obligataires des performances positives. Le taux à 10 ans américain a ainsi gravité autour de ~4,5 % alors qu’il se situait à ~4,7% en début de semaine. Les maturités courtes ont aussi profité de ce mouvement, tout comme les taux européens.

La statistique parue le 14 novembre est encourageante. Les catégories liées à l’énergie et aux « biens » contribuent négativement à l’inflation, tandis que la composante « loyers » (plus d’1/3 de l’indice des prix) a accentué sa décélération. Les services hors immobilier ont aussi fait preuve de modération. L’inflation totale est ressortie à 3,2 % sur un an (3,7 % précédemment). L’inflation cœur (hors énergie et alimentation) à 4 % (4,1 %). S’agissant de cette dernière, notre indicateur de tendance est peu ou prou retombé à son niveau du mois d’août, ne suggérant ainsi ni regain ni détente significative des pressions inflationnistes. Il est néanmoins en nette baisse depuis plusieurs mois. La désinflation est bien enclenchée, elle se poursuit, mais l’est-elle suffisamment pour que la Fed infléchisse son discours ?

Les marchés ont déjà tranché. Les anticipations pour les premières baisses de taux de la Fed se sont encore décalées (du ~T3 2024 au ~ T1/T2 2024). « Encore », car on se souvient de leur versatilité tout au long de l’année, puisqu’un desserrement monétaire dès le 3ème trimestre 2023 était envisagé il y a quelques mois.

Et c’est bien là que tout se joue.

Si l’année 2023 s’est caractérisée par une désinflation sans récession aux Etats-Unis, l’incertitude demeure pour 2024. Si récession il y a, il conviendra d’identifier ses causes et son ampleur. Les conditions de crédit se sont considérablement durcies, le secteur immobilier est en souffrance et l’excès d’épargne est épuisé. Un scénario alternatif, plus positif, pourrait aussi mener à une résilience portée par un regain du pouvoir d’achat des ménages et une accoutumance des entreprises à l’environnement de taux. Si la Fed baisse ses taux, parce qu’elle a réussi sa mission (ramener l’inflation à 2 %), les marchés auront eu raison. Si la Fed les abaissent en raison d’une récession, le réveil sera probablement brutal, d’autant plus si cela intervient avec latence pour une question de crédibilité vis-à-vis de l’inflation.

Pour le moment, les marchés accréditent la thèse de l’atterrissage en douceur de l’économie américaine. Cet enthousiasme demeure fragile, puisqu’il s’est notamment heurté en fin de semaine à la faiblesse de la production industrielle. La plupart des acteurs ayant publié leurs scénarios 2024 font toutefois preuve d’un relatif optimisme vis-à-vis des perspectives bénéficiaires des entreprises. Ceux anticipant un marché baissier sont un peu moins nombreux.

Alors plutôt Dr Pangloss, Dr Doom ou un entre-deux ?

Contenu rédigé par Florent Wabont, économiste chez Ecofi.