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INFO PARTENAIRE

De la " grande modération " à la " grande volatilité " ?

Depuis le milieu des années 80, les États-Unis – par extension le monde développé – ont connu une relative stabilité des agrégats macroéconomiques, et ce en dépit de nombreux chocs successifs.

Cette semaine et à l’approche de la fin d’année, nous avons décidé de prendre un peu de " hauteur ", en analysant l’hypothèse de l’émergence d’un nouveau cycle marqué par une plus grande volatilité.

La période dite de " grande modération " s’est caractérisée par une faible variabilité de l’inflation et de la croissance du PIB. Elle est par ailleurs souvent associée au nom d’Alan Greenspan, président de la Banque centrale américaine de 1987 à 2006. Afin d’expliquer ce phénomène, la littérature économique se partage entre trois éléments. En premier lieu, l’installation de facteurs structurels, à l’instar de l’innovation technologique, ou encore de la transition vers une économie plus servicielle. Deuxièmement, par des banques centrales dont la crédibilité s’est accrue, en ancrant les anticipations d’inflation grâce à de nouvelles formes de communication, tout particulièrement aux États-Unis. Enfin, de manière plus ironique, un facteur chance qui serait issu d’une " heureuse coïncidence ".

La décennie 2020 sera-t-elle marquée par un changement de paradigme ?

Plusieurs facteurs pourraient en effet remettre en cause les acquis de la grande modération. La crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont notamment mis en évidence des faiblesses dans l’approvisionnement de certains produits et composants, amenant les États à vouloir repenser les chaînes de valeur logistiques, dans le but de pallier certaines dépendances. La persistance des conflits géopolitiques et d’un monde qui tend à se polariser renforce l’idée d’une forme (limitée) de démondialisation. Cette " relocalisation " pourrait engendrer une tension sur le marché du travail.

Toujours dans le sillage de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine, force est de constater que le " verrou " de la relance étatique a semble-t-il sauté. Une plus grande proactivité dans ce domaine est donc envisageable dans le futur. Enfin et surtout, les conséquences du dérèglement climatique et de la transition écologique sont de nature à déstabiliser les grandes variables macroéconomiques. D’une part en raison des risques physiques, qui peuvent avoir une incidence sur la production, ou encore sur les récoltes agricoles. D’autre part, via le désinvestissement d’outils de production intensifs en carbone vers une industrie plus verte et un mix énergétique orienté sur les énergies renouvelables, moins rentables et moins productives dans un premier temps. En outre, les besoins en métaux critiques seront aussi au cœur de la transition, et cette problématique rejoint celle de l’approvisionnement.

Au total, la combinaison de chocs d’offre négatifs et de chocs de demande positifs, de manière parfois non concomitante, contribuerait à l’avènement d’une période dite de " grande volatilité ", terme emprunté au discours tenu par Isabel Schnabel (économiste et membre du directoire de la BCE) lors du dernier Symposium de Jackson Hole.

Dans ces conditions, la réponse des banques centrales ne sera pas évidente. D’autant plus si elle est asynchrone avec les politiques budgétaires. A ce stade, seules des questions ouvertes peuvent être envisagées.

Devront-elles prendre en compte plus finement les enjeux posés par la transition écologique, en distinguant par exemple l’inflation " verte"  ? Ce qui ne sera pas sans poser d’autres problèmes. Une réflexion autour d’un changement de cible d’inflation, dans l’optique d’intégrer les bouleversements à venir, devra-t-elle être initiée ?

En ce qui concerne les marchés financiers, la recherche économique a établi un lien entre la volatilité macroéconomique et la volatilité des actifs risqués. Si la première s’est bel et bien matérialisée depuis plusieurs mois, la seconde est restée plutôt sage. Pour les années à venir, l’enjeu est de déterminer si les hypothèses qui sous-tendent ce nouvel environnement entraînent également une augmentation des primes de risques exigées par les participants de marché…

Florent WABONT, Économiste

Source : Ecofi, au 10 décembre 2022 - Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures. Document non contractuel. Le présent document contient des éléments d’information, des opinions et des données chiffrées qu’Ecofi considère comme exacts ou fondés au jour de leur établissement en fonction du contexte économique, financier ou boursier du moment. Il est produit à titre d’information uniquement et ne constitue pas une recommandation d’investissement personnalisée.