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David contre Goliath

Qui aurait pensé un jour qu’il y aurait un point commun entre la star montante de l’aile gauche du parti démocrate - Alexandria Ocasio-Cortez - et le sénateur républicain du Texas Ted Cruz ? Ces deux personnalités ont pourtant trouvé un terrain d’entente dans leur critique contre la décision du courtier Robinhood de restreindre la forte spéculation sur les actions de la société GameStop.

En procédant ainsi, la plateforme de courtage semble vouloir protéger les gros fonds de pension qui anticipaient un plongeon du titre de cette chaîne de magasins de jeux vidéos.

Ces stratégies de « ventes à découvert » ont été mises à mal par les achats concertés de milliers de petits investisseurs réunis sur les forums WallStreetBets du site Reddit. Cela s’est traduit par des rachats contraints des gros investisseurs comme Melvin Capital, Citadel ou Point72, obligés d’agir ainsi pour couvrir leurs positions
à découvert. Cette « révolte des petits porteurs » est même devenue un risque potentiellement systémique qui a conduit le président de la Réserve fédérale (Fed) à l’évoquer, même s’il a semblé « botter en touche » en laissant la SEC, l’autorité des marchés américains, s’en occuper.

Si le calme est revenu après les restrictions prises par plusieurs courtiers, l’affaire n’est pour autant pas terminée car tous les yeux se dirigent désormais sur la prochaine cible de ces justiciers-boursicoteurs. Ce bras de fer entre petits et gros investisseurs s’est traduit par un recul généralisé des indices (S&P 500 : -3,5%, à 3 706,93 points ; EuroStoxx 50 : -3,4%, à 3 479 points).

Ce recul des places boursières n’efface tout de même pas les gains accumulés depuis plusieurs mois, ce qui a contribué à augmenter les inégalités. Ce ne sont plus seulement des ONG comme Oxfam qui mettent en garde contre ces écarts mais de grandes institutions comme la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international. Des économistes de cette dernière ont d’ailleurs mis en garde contre des marchés déconnectés de la réalité économique. En effet, alors que les indices boursiers sont proches de leur plus haut historique, le PIB américain s’est contracté de 3,5% en 2020, ce qui est tout de même mieux qu’en Allemagne (-5,3%) et surtout en France (-9,8% ) et en Espagne (-11% ). Mais c’est en Italie que se sont tournés tous les regards où le spectre de nouvelles élections législatives vient de ressurgir. En effet, même si aucun parti de l’actuelle coalition au pouvoir n’a intérêt à aller aux élections, le président Mattarella a confié un mandat exploratoire à Roberto Fico. Cependant, on semble se diriger vers une reconduction de l’actuel premier ministre Conté, avec l’appui des partis de droite et l’entrée de poids lourds comme Mario Draghi au ministère des Finances.

Cette perspective a aidé au reflux des taux italiens (-6 points de base – pbs, à 0,66% pour le 10 ans), ce qui a aidé les autres pays en difficulté financière (Portugal : -3 pbs, 0,04% pour le 10 ans ; Espagne : -2 pbs, à 0,1%, pour le 10 ans), en plus des derniers développements sur le front de la pandémie. La recrudescence des nouveaux cas et la crainte des variantes ont conduit les Etats à réintroduire des mesures de confinement. Même si ces nouvelles restrictions sont moins sévères qu’au printemps, elles devraient tout de même entraîner la zone Euro en récession au premier trimestre. Ce qui a pesé sur les rendements souverains allemands (-1 pb, à -0,55% pour le 10 ans) et français (-1 pb, à -0,28% pour le 10 ans). Aux Etats-Unis, les taux sont ressortis proches de leur niveau de la semaine dernière (-2 pbs, à 1,07% pour le 10 ans) après que la Fed ait décidé de se donner du temps, comme l’avait précédemment fait la Banque centrale européenne (BCE). Ainsi, l’institution monétaire américaine semble attendre de voir les progrès de la vaccination pour prendre de nouvelles dispositions. Une réduction de la stimulation monétaire ne semble pas à l’ordre du jour, même en cas de remontée de l’inflation au-dessus du seuil de 2%, que la Fed juge temporaire.

La crainte d’une nouvelle récession et l’incertitude en Italie n’ont pas aidé l’euro (-0,38% à 1,21228 dollar), qui a accusé des pertes contre la livre sterling (-0,55% à 0,8850 livre) malgré les anticipations d’une bonification de l’enveloppe des achats de titres de la Banque d’Angleterre (BoE), après la hausse de 150 milliards de livres en novembre dernier. Or, depuis fin 2020, la situation s’est fortement dégradée avec l’apparition d’une variante anglaise très contagieuse qui a conduit à reconfiner le Royaume-Uni. Malgré cela, nous pensons que la BoE va préférer attendre, comme la Fed ou la BCE avant elle, afin de voir comment la montée en puissance de la cam- pagne de vaccination impacte l’activité économique.

Karamo KABADirecteur de la recherche économique