La Banque centrale européenne (BCE) a décidé le 26 octobre dernier de laisser sa politique monétaire inchangée. Le taux de facilité de dépôt se situe donc toujours à 4 %, le taux de refinancement à 4,50 % et le taux de prêt marginal à 4,75 %. Pas de modification non plus concernant la réduction de son bilan ou la rémunération des réserves excédentaires pour les banques commerciales, sujets qui n’ont même pas été débattus selon Christine Lagarde. Les liquidités échues de l’APP (le programme d’achats d’actifs « classique ») ne sont plus réinvesties, tandis que celles du PEPP (programme d’achats pandémique) continuent de l’être de manière « flexible ».
Après dix hausses de taux étalées entre 2022 et 2023, voici donc venu le moment de la pause pour la BCE. Bien sûr, le mot n’a pas été explicitement prononcé. L’institution demeure « dépendante aux données » et se réserve la possibilité d’agir si nécessaire. La décélération de l’inflation, le resserrement des conditions de crédit et la détérioration de l’activité nous incitent cependant à envisager un maintien des taux sur ces niveaux pour quelques temps. Au-delà des variations erratiques au mois le mois, la désinflation pourrait s’intensifier au cours des prochains trimestres, dans le même temps qu’une contraction de l’économie. A cet égard, nous avons récemment révisé notre scénario en matière de baisses de taux, que nous anticipons désormais pour le 3ème trimestre 2024 (vs 4ème trimestre précédemment).
En milieu de semaine dernière, la Fed a, elle aussi, pris la décision de laisser ses taux directeurs immobiles, sur une fourchette de 5,25 %-5,50 %. Jerome Powell a salué les progrès réalisés sur le front de l’inflation, sans que ceux-ci ne se soient accompagnés de dommages sur l’activité. Au contraire même, puisque la croissance du PIB s’est montrée (très) vigoureuse au cours du 3ème trimestre. La situation semble donc « confortable ». L’incertitude n’est toutefois pas levée, comme en témoigne la récente inflexion à la hausse de notre indicateur de tendance d’inflation cœur (hors énergie et alimentation).
En outre, l’attentisme de la Fed s’explique également par la forte remontée des taux souverains ces dernières semaines (de ~4 % à 5 % pour le 10 ans américain en ~2 mois). Cette dernière accentue le durcissement des conditions financières, en augmentant le coût du crédit dans l’économie. Nous estimons ainsi que cet épisode a engendré l’équivalent de deux à trois relèvements de taux directeurs supplémentaires. En indiquant que les conditions financières s’étaient tendues, Jerome Powell a néanmoins contribué à leur détente. Pendant son discours, les taux de marché ont baissé et les actions se sont appréciées.
Nous pensons que les hausses de taux passées se traduiront par un ralentissement de l’emploi fin 2023 et une dégradation en 2024. La Fed pourrait de ce fait hésiter entre persistance de l’inflation et lutte contre le chômage, ce qui aboutirait à un desserrement monétaire pendant le 3ème trimestre 2024.
La Banque d’Angleterre (BoE) a également maintenu le statu quo et a souligné sa volonté de conserver durablement ses taux à ou proches de 5,25 %. Au Royaume-Uni, l’emploi ralentit déjà, et l’inflation commence à opérer le même tournant.
Parmi les autres banques centrales, notons aussi celles qui ne sont pas considérées comme « majeures », mais qui ont récemment décidé d’observer une forme de pause, à l’instar de la Banque du Canada, de Norvège, ou encore de Suisse. Les autorités monétaires australiennes et néo-zélandaises pourraient prochainement adopter le même comportement.
Mentionnons enfin la Banque du Japon, qui fait toujours un peu bande à part. Cette dernière a de nouveau réajusté le contrôle de sa courbe des taux, en autorisant désormais le 10 ans japonais à fluctuer autour de 1 %, sans pour autant modifier son taux directeur, qui demeure à -0,10 %.
Une nouvelle phase semble donc s’ouvrir. Celle de la pause (quasi) généralisée du resserrement monétaire le plus coordonné de l’histoire. Reste à savoir désormais combien de temps celle-ci durera…
Contenu rédigé par Florent Wabont, économiste chez Ecofi