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« Bombes climatiques » : les projets les plus climaticides du monde

La plateforme CarbonBombs a mis en ligne fin octobre une cartographie de l'ensemble des 425 bombes climatiques présentes dans le monde. Elle permet surtout d'identifier les entreprises et les banques associées à ces projets climaticides.

Cette enquête a été réalisée par deux organisations françaises, l’ONG Data for Good et le collectif Éclaircies. La notion de « bombe climatique » a été définie en 2022 par le chercheur allemand Kjell Khüne et caractérise tout site d'extraction d’énergies fossiles à travers le monde capable d’émettre plus d’un milliard de tonnes de CO2 (soit une gigatonne).

Si les réserves de tous ces projets étaient exploitées, environ 1 200 gigatonnes de CO2 pourraient être émises. Or, d’après le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), le budget carbone pour tenter de respecter le scénario 1,5°C s’élève à 400 / 500 gigatonnes de CO2 soit près de trois fois moins !

Et c'est loin d'être le seul chiffre inquiétant : 169 de ces 425 sites n'étaient pas opérationnels en 2020 car, depuis, plus de 20 d'entre eux sont entrés en exploitation. Un constat qui montre que le monde est loin de ralentir l'activité d'extraction, en pleine contradiction avec la recommandation faite par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) en 2021 : « Au-delà des projets déjà engagés à partir de 2021, aucun nouveau gisement de pétrole et de gaz n'est approuvé dans notre trajectoire, et aucune nouvelle mine de charbon ou extension de mine n'est nécessaire. »

Trois pays concentrent à eux seuls la moitié de ces projets délétères. La Chine arrive en tête avec 141 bombes climatiques, suivie par la Russie avec 40 et les États-Unis avec 28. Si la moitié des bombes climatiques concerne des mines de charbon, la plus grosse est constituée par la réserve de pétrole et gaz de schiste du Permian dans le Delaware aux États-Unis, exploitée notamment par Exxon et Chevron. Son potentiel d’émissions s’élève à 28 gigatonnes de CO2.

China Energy remporte sans conteste la palme du groupe émettant le plus de bombes climatiques. A la quatrième place de ce classement maudit se hisse la major TotalEnergies, associée à 17 bombes climatiques d’un potentiel de 12 gigatonnes de CO2. Ces chiffres s'appuient sur des données de 2020 et une récente enquête de Greenpeace, s’appuyant sur des données plus récentes, estimait la présence de la major française dans 33 bombes climatiques, avec un impact de 93 milliards gigatonnes de CO2, soit plus de deux fois les émissions mondiales annuelles de gaz à effet de serre.

La plateforme s’intéresse également aux banques qui financent directement ces projets ou les entreprises liées à ces bombes climatiques. Dans le Top 10, on trouve encore deux banques françaises, BNP Paribas (5ème rang) et Crédit Agricole (7ème rang), qui financent chacune une trentaine d’entreprises liées aux bombes climatiques telles que BP, TotalEnergies, Eni, Shell, Saudi Aramco ou encore Petrobras. L’étude, également menée avec des médias européens tels que le Guardian et Le Monde, révèle en outre que les banques françaises auraient davantage financé les entreprises exploitant ces projets que n'importe quel autre pays d'Europe, même si elles se situent derrière la Chine et les États-Unis.

À un mois de la COP 28, cette plateforme souhaite souligner l’importance d’une sortie rapide des énergies fossiles coordonnée à l’échelle internationale, enjeu clé des négociations. « C’est une course contre la montre pour stopper le déploiement de nouveaux projets d’extraction fossile. » appellent les deux organisations à l’origine du projet. Remarquons au passage qu’Adnoc, major pétrolière dirigée par le président de la COP 28, le sultan Ahmed Al Jaber, elle est elle-même impliquée dans trois bombes climatiques.

Ces bombes climatiques sont très inquiétantes pour l’atteinte des objectifs de décarbonation. Elles génèrent des investissements économiques importants grevés de longs délais de mise en œuvre et reposent sur des bénéfices calculés en s’appuyant sur l'utilisation et la commercialisation sans contrainte et sans limite des ressources fossiles, ce qui semble peu réaliste.

Contenu rédigé par François Lett, directeur du département éthique et solidaire chez Ecofi.