Après avoir abaissé ses taux en juin, la BCE a donc pris la décision de ne rien faire en juillet. Trop peu de nouvelles données et pas de franche modération de la progression salariale, en sont vraisemblablement les causes principales. Lors de la conférence de presse, Christine Lagarde s’est toutefois montrée relativement confiante sur la trajectoire de l’inflation. En particulier, s’agissant de celle dite sous-jacente – dont l’évolution dépend des conditions macroéconomiques. Notons également que si l’inflation dans les services demeure élevée, son évolution récente est cependant conforme aux anticipations de l’institution. Parallèlement, la BCE juge désormais que les risques sur la croissance économique sont baissiers, et notamment, que le profil de l’activité a été moins vigoureux au cours du deuxième trimestre. Enfin, fidèle à sa posture prudente, la BCE a indiqué qu’aucun chemin de baisses de taux n’était tracé.
Livrons-nous maintenant à l’exercice de la prévision. Pour anticiper la suite des événements, plusieurs questions méritent d’être traitées selon nous.
1. La désinflation va-t-elle se poursuivre, stagner ou se stopper ?
L’inflation totale est ressortie à 2,5 % sur un an en juin, en recul de 0,1 % par rapport au mois précédent. L’inflation cœur (hors énergie et alimentation) est quant à elle restée inchangée à 2,9 %.
Au cours des prochains mois, les gains à la désinflation par la catégorie des biens manufacturés devraient petit à petit s’estomper. L’allure des prix alimentaires pourrait encore contribuer à faire baisser l’inflation, mais de moins en moins. Celle des matières premières énergétiques devrait participer, durant l’été, à faire reculer l’inflation, puis là aussi, de moins en moins.
La catégorie des services constitue la dernière « couche » d’inflation restante. À 4,1 % en glissement annuel, sa progression est encore soutenue. Elle est en outre liée à l’évolution passée des salaires dans la zone Euro ainsi qu’aux pressions sur les prix, subies par les entreprises.
Ce phénomène, qualifié de « rigidité nominale » en théorie économique, suggère que l’ajustement sur la formation des prix prend du temps. Autrement dit, que l’inflation actuelle reflète encore une situation passée, et que la récente détente de ces pressions, couplée à l’absorption des hausses salariales par les marges des entreprises, militent pour une désinflation à venir dans les services.
Nous continuons ainsi de penser que le « dernier km d’inflation » ne sera pas nécessairement plus long, ni forcément plus difficile à parcourir en zone Euro.
2. L’embellie conjoncturelle actuelle, estelle fondamentalement inflationniste ?
Théoriquement et intuitivement, l’activité est de nature inflationniste lorsque la croissance économique observée est supérieure à la croissance potentielle estimée. Avec une demande privée et une confiance des agents économiques qui se redresse plutôt timidement jusqu’ici, difficile d’envisager une telle situation. En revanche et si comme nous l’anticipons, cette configuration venait à gagner en intensité au cours des trimestres suivants, cela serait plutôt salutaire pour la BCE, car propice à un accroissement de la productivité et une baisse des pressions inflationnistes…
3. La politique monétaire demeurera-t-elle « restrictive » ?
Comme nous l’écrivions le 10 juin dernier, la BCE dispose encore de marges de manœuvre. Les taux directeurs de la BCE ajustés de l’inflation, montrent en effet que le degré de restriction monétaire demeure conséquent, d’autant plus dans un contexte de baisse de l’inflation... La BCE nous semble donc en capacité de desserrer l’étau plusieurs fois, sans ôter le caractère restrictif de sa politique.
Le consensus est divisé sur la question du nombre de baisses de taux restant. Pour les raisons évoquées ci-dessus, nous continuons d’anticiper trois baisses de taux supplémentaires d’ici la fin de l’année. S’agissant de 2025, d’autres thématiques restent en suspens, notamment le résultat des élections présidentielles américaines, qui conditionnera, entre autres choses, la trajectoire des taux directeurs mondiaux…
Contenu rédigé par Florent Wabont, Économiste