Dans cet espace, la rédaction d’ID n’exerce pas de droit de regard sur les informations disponibles et ne saurait voir sa responsabilité engagée.
©Pexels/Pixabay
Info partenaire

BCE : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent »

Après s’être battue contre les marchés, dans le but de tempérer leurs anticipations de baisses de taux rapides, la Banque centrale européenne (BCE) a, contre toute attente, décidé d’adopter un ton légèrement plus colombe (i.e. favorable à un assouplissement de la politique monétaire). Ce retournement de situation, plus subtil que celui de son homologue américaine en fin d’année dernière, peut assez bien se résumer par ces mots d’Edgar Faure : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent »…

Sans surprise, la BCE a décidé, le 25 janvier dernier, de laisser sa politique monétaire inchangée. Le taux de facilité de dépôt demeure à 4 %, le taux de refinancement à 4,50 % et le taux de prêt marginal à 4,75 %. La BCE est désormais plus inquiète sur ses perspectives de croissance pour la zone Euro, mais elle a semblé, par la voix de Christine Lagarde, plus optimiste concernant l’évolution de l’inflation. Trois éléments justifient cette subtile inflexion : la baisse des prix de l’énergie sur les marchés financiers à terme (gaz, électricité…) depuis la dernière réunion de décembre 2023, les mesures alternatives de progression des salaires (annonces publiées en ligne…) qui montrent une modération et la convergence, en décembre, de la plupart des indicateurs d’inflation sous-jacente, qui soulignent une intensification de la désinflation. Ces propos tranchent toutefois avec les récentes prises de parole des membres de la BCE, qui à défaut d’avoir réussi à recadrer de manière franche les anticipations de marché, avaient décidé d’indiquer que la période estivale serait la plus propice aux premières baisses de taux. Cette façon peu habituelle de communiquer avait eu pour conséquence d’effacer une bonne partie des attentes pour mars et avril. Quelques instants après la réunion du 25 janvier, jugée donc un peu plus colombe, la probabilité accordée par le marché pour une baisse de taux en avril est passée de ~40 % à ~80 %.

Bien que cette réunion ait quelque peu surpris, elle n’a toutefois pas été de nature à modifier notre scénario central, qui table sur une première baisse de taux en juin. Les prérequis nécessaires n’ont pas changé. Il s’agit toujours d’observer une inflation sous-jacente proche de 2 %, des hausses de salaires qui s’enrayent ainsi qu’un ancrage des anticipations d’inflation. La faiblesse de l’activité n’entre selon nous pas dans l’équation. Si nous continuons d’être relativement plus pessimistes que le consensus et la BCE sur les chiffres de croissance pour le 4ème trimestre 2023 et le 1er trimestre 2024, nous pensons néanmoins que le « pire » est en passe d’être atteint. Le fait que la BCE ait aussi explicitement cité les indicateurs alternatifs d’évolution des salaires et la baisse des prix de l’énergie, nous amène néanmoins à penser qu’elle s’autorise désormais un peu plus de « flexibilité d’esprit », rendant ainsi une baisse de taux en avril un peu plus probable.

Les statistiques à paraître seront donc cruciales. L’inflation du mois de janvier, qui sera publiée cette semaine, devrait coïncider avec une reprise de la tendance baissière, après un mois de décembre où les effets de base étaient moins favorables. Nous pensons que l’inflation totale devrait tangenter les 2 % au cours du deuxième trimestre, ce qui devrait pousser la BCE à revoir ses prévisions. Si l’institution a par ailleurs autant mis l’emphase sur la progression des salaires, c’est en raison de son influence (avec retard) sur la catégorie des services. Cette dernière devient peu à peu prédominante, puisque les autres composantes (énergie, alimentation, biens…) contribuent de moins en moins à l’inflation. L’issue des négociations salariales en cours demeure incertaine, mais ces dernières devraient progressivement se heurter à la faiblesse de l’activité. Les statistiques officielles de progression salariale arrêtées au 4ème trimestre 2023 paraîtront dans les prochains mois.

En zone Euro, le « dernier kilomètre » d’inflation à parcourir semble (à ce stade) d’une difficulté mesurée. Il conviendra ensuite de déterminer si l’inflation reste en tendance à ~2 % ou bien en deçà, comme avant la pandémie.

Pour le moment, les marchés se focalisent sur la baisse des taux directeurs, mais cette question se posera bientôt, avec une conséquence concrète, celle du niveau d’atterrissage de ces derniers...

Contenu rédigé par Florent Wabont, économiste chez Ecofi.