Pour la Banque centrale américaine (Fed), tout militait pour la poursuite du resserrement monétaire : un marché de l’emploi qui s’apaise, mais demeure tendu, une inflation cœur (hors énergie et alimentation) qui s’essouffle, mais demeure persistante et une économie qui ralentit, mais demeure vigoureuse. L’institution monétaire a bien intégré cette situation puisqu’elle a révisé à la hausse ses projections de croissance et d’inflation pour 2023. Pourtant, la Fed a décidé de laisser sa politique monétaire inchangée. Dans son nouveau langage, il ne faut pas comprendre qu’elle se met en « pause », mais plutôt qu’elle « passe son tour ». Les dots – indication anonyme sur différents horizons des prévisions de taux directeurs par les membres de la Fed – ont également été modifiés. Ils suggèrent dorénavant deux rehaussements de taux supplémentaires d’ici la fin de l’année, soit un taux terminal médian de 5,625 %, contre 5,125 % en mars dernier.
Ce stratagème ambitionne de « tenir en haleine » les marchés en tentant d’effacer leurs anticipations de baisses de taux, afin de mieux ancrer le mantra « plus haut pour plus longtemps ». L’institution s’offre ici une respiration, afin d’évaluer les répercussions des hausses de taux passées (5 % en un peu plus d’un an) mais aussi l’impact du stress bancaire sur le système financier. Les attentes du marché sont désormais orientées vers une reprise des relèvements de taux dès le mois de juillet. Toute déviation à ce scénario serait ainsi mal interprétée, et entacherait à nouveau la crédibilité de l'institution. Le risque étant que cela soit finalement considéré comme une pause. Cette stratégie se révèlerait alors contre-productive, en particulier si le stress bancaire s’envenime. Alors, pourquoi ne pas avoir augmenté les taux en juin ? Le mystère reste entier.
Du côté de la Banque centrale européenne (BCE), la hausse de 0,25 % de ses taux directeurs était balisée et anticipée. Son discours s’est en revanche durci. Elle a largement augmenté ses anticipations pour l’inflation cœur, et n’entrevoit pas de retour à la cible des 2 % d’ici 2025. Ces éléments ont été complétés par l’évocation du rôle de la progression salariale passée et à venir dans l’entretien et la persistance de l’inflation. Bien qu’elle ait révisé à la baisse ses prévisions de croissance, ces dernières semblent encore trop élevées au regard de la dégradation des fondamentaux économiques ces derniers mois. En retard vis-à-vis de la Fed, la BCE emprunte donc un chemin différent, où il n’est ni question de pause, ni même de passer son tour, puisqu’il y a selon les dires de Christine Lagarde « encore du terrain à couvrir ».
La probabilité que le taux de facilité de dépôt atteigne 4 % a augmenté.
En Asie, la Banque de Chine (PBOC) est désormais au soutien de son économie, mise à mal par des problèmes structurels (immobilier, chômage des jeunes…) et le ralentissement mondial. Elle a ainsi décidé de baisser certains de ses taux directeurs, pour réduire le coût du crédit et relancer la machine. S’il porte ses fruits, ce comportement asynchrone représente un risque inflationniste pour les banques centrales des pays développés, bien qu’il se heurte malgré tout à la faiblesse de la demande interne et à la timidité du stimulus. La Banque du Japon (BoJ) a quant à elle laissé son taux directeur inchangé à -0,1 %. La poussée inflationniste japonaise répond aux mêmes facteurs que les autres pays développés, mais il s'agit là d’une aubaine pour le Japon, qui voit l’occasion de rattraper des décennies d’inflation perdues. À court terme, la BoJ devrait s’atteler en priorité au relâchement progressif de son contrôle de la courbe de taux.
Autrefois coordonnées pour la plupart, les banques centrales arrivent maintenant à un moment où les différences se font jour et où les attitudes divergent.
Cette semaine, l’attention se dirigera sur la Banque d’Angleterre…
Contenu rédigé par Florent Wabont , économiste chez Ecofi