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Banque centrale américaine : le diable est dans les détails

De prime abord, la réunion de la Banque centrale américaine (Fed) du 20/09 dernier n’a réservé que peu de surprises. L’actualisation des prévisions de l’institution et les précisions apportées lors de la conférence de presse ont pourtant livré quelques enseignements. Ci-après notre analyse et nos anticipations.

Conformément aux attentes du consensus, la Fed a décidé mercredi dernier de laisser son taux directeur inchangé, sur une fourchette comprise entre 5,25 % et 5,50 %. L’attention s’est donc surtout portée sur les prévisions trimestrielles de l’institution. Compte tenu des données récentes, la croissance du PIB réel pour l’année en cours a naturellement été révisée en hausse. De manière plus surprenante en revanche, les chiffres pour 2024 ont également été relevés. En comparaison de l’exercice réalisé en juin, le taux de chômage prévisionnel est passé de 4,1 % à 3,8 % pour 2023 et de 4,5 % à 4,1 % pour 2024 et 2025. Les projections d’inflation sont quant à elles restées quasi inchangées. Même si cela n’a été avoué qu’à demi-mot lors de la conférence de presse, c’est bien d’un scénario d’« atterrissage en douceur » de l’économie américaine dont il s’agit.

L’actualisation des « dots» constitue l’autre fait marquant. Le « dot plot » ou les « dots » indiquent, de manière anonyme, les prévisions de taux directeurs à différents horizons pour chacun des membres de la Fed (votants ou non). Ces derniers entrevoient un taux médian de 5,625 % pour 2023 (soit encore une hausse de taux supplémentaire), et de 5,125 % pour 2024 (deux baisses de taux) contre 4,625 % en juin dernier. Sans avoir besoin d’agir, la Fed maintient la pression. En tenant ainsi en haleine les marchés, elle empêche la détente des conditions financières (baisse des rendements souverains, hausse des actions…), et par la même occasion renforce la transmission de sa politique monétaire.

Dès lors, qu’anticiper pour la suite ?

L’activité s’est montrée vigoureuse au cours du 3ème trimestre et le risque de récession a de nouveau été écarté. En outre, l’épisode de stress bancaire survenu en mars dernier avec la faillite de la SVB, n’a finalement eu que peu d’incidences. Dans le même temps, la désinflation est bien enclenchée, mais des effets de base énergétiques moins favorables et la persistance de certaines catégories des services incitent à la prudence. La politique monétaire menée est, selon nous, restrictive. Sa transmission est toutefois entravée, en raison de la moindre sensibilité de l’économie aux taux d’intérêt (excès d’épargne des ménages, endettement des entreprises à taux fixe pendant la pandémie…).

Au regard des éléments mentionnés jusqu’ici, il n’est donc pas improbable qu’une nouvelle hausse de taux soit effectuée d’ici la fin de l’année. Ce n’est en revanche plus à cet endroit que la focale doit se poser, puisque tout conspire dorénavant pour le maintien de taux directeurs à ces niveaux pour une période prolongée. Les « atterrissages en douceur » de l’économie sont toutefois rares dans l’histoire de la réserve fédérale. Seul Alan Greenspan (président de la Fed de 1987 à 2006) y est parvenu en 1994. Les prévisions du taux de chômage visent également souvent à côté. Comme le disait Niels Bohr (célèbre physicien), « Prévoir est très difficile, surtout lorsqu’il s’agit du futur ».

Deux scenarii sont désormais possibles :

1. L’économie suit le chemin indiqué par la Fed. L’inflation revient (très) progressivement à la cible et le chômage n’augmente que modérément. La FED baisse ensuite ses taux en direction de la neutralité (~2,5 %-3 %).

2. La politique monétaire finit par avoir une incidence négative sur l’économie. Le taux de chômage augmente fortement. La FED baisse ses taux pour se conformer à son mandat de « taux d’emploi maximum », alors même que les pressions inflationnistes n’ont pas totalement disparu.

Si nous n’anticipons toujours pas de récession en 2023, nous envisageons désormais un début de retournement sur l’emploi en fin d’année, nous rendant de facto plus pessimistes pour 2024. Ce dernier serait néanmoins insidieux, perturbant ainsi l’arbitrage inflation/ chômage dans un contexte de persistance des pressions inflationnistes.

Nous intégrons donc, comme la Fed, des baisses de taux tardives, mais pas forcément pour les mêmes raisons…

Contenu rédigé par Florent Wabont, économiste chez Ecofi.