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Banque centrale américaine : Hibernatus...?

La Banque centrale américaine (Fed) a laissé sa politique monétaire inchangée le 12 juin dernier. L’institution n’a pas ajusté ses taux directeurs depuis près d’un an, après les avoir fait passer de 0,25 % à 5,50 % en un temps record. La prudence face à la lenteur de la désinflation et la bonne tenue de l’économie américaine explique cette patience, mais viendra-t-il un jour le moment de baisser les taux ?

Sans surprise, la Fed a maintenu, le 12 juin dernier, son taux directeur dans une fourchette comprise entre 5,25 % et 5,50 %. Elle a par ailleurs, comme tous les trimestres, actualisé ses projections économiques. L’inflation totale PCE* et celle excluant énergie et alimentation ont été révisées à la hausse pour 2024, tandis que la croissance du PIB est restée inchangée. La médiane des dots – prévisions anonymes du niveau des taux directeurs par chacun des membres de la Fed – se situe désormais à une seule baisse de taux pour 2024 (contre trois en mars) et quatre en 2025. Le niveau de taux envisagé à long terme a également été réévalué à la hausse.

En première lecture, cette réunion s’apparente à un durcissement du ton de la politique monétaire, mais les hasards du calendrier sont parfois cruels...

Le 12 juin coïncidait également avec la publication des chiffres de l’indice des prix CPI**. L’inflation totale calculée sur un an est ainsi passée de 3,4 % en avril à 3,3 % en mai (vs 3,4 % attendu par le consensus) ; celle hors énergie et alimentation, de 3,6 % à 3,4 % (vs 3,5 %). L’évolution des prix de la plupart des catégories a significativement ralenti, voire reculé pour certaines. L’allure des « services hors immobilier » s’est par ailleurs sensiblement infléchie, en particulier celle des items spécifiques (frais d’assurance auto…) responsables des mauvais chiffres du 1er trimestre. Les projections réalisées par la Fed, n’intégrant que très partiellement ces chiffres, sont ainsi devenues obsolètes sitôt publiées. L'idée d'une désinflation marquée en mai, a également été renforcée par la parution des prix à la production et de ceux à l'importation.

Est-ce donc venu le moment de baisser les taux ?

Nous avons plusieurs fois modifié nos vues s’agissant du calendrier, au gré de la publication des statistiques économiques, mais aussi de l’attitude changeante de Jerome Powell. L’art de prévoir le comportement des banques centrales résulte d’un subtil mélange entre l’écoute assidue des discours officiels, et la capacité à parfois faire la sourde oreille.

Combiner l’idée que l’on a de ce que la Fed s’apprête à faire et de ce qu’elle devrait faire.

Dans un scénario de ralentissement de l’activité sans récession (notre scénario privilégié), la motivation d’enclencher un mouvement de baisse de taux, répond à une logique d’ajustement de politique monétaire, dont l’objectif est d’accompagner la désinflation. Une première baisse cet été est ainsi encore envisageable, selon nous. Elle pourrait être suivie d’une brève pause, puis d’une reprise, à l’image du comportement adopté en 2023. Compte tenu des raisons qui les motivent, l’ampleur des baisses devrait par ailleurs être limitée.

La Fed fait toutefois face à trois incertitudes majeures, principalement d’ordre méthodologique : (1) la lenteur de la désinflation, dont les soubresauts sont pollués par des facteurs spécifiques et les biais de construction des indices (CPI vs PCE, part des loyers…) ; (2) la diminution de la fiabilité des données de l’emploi, qui pour certaines ne transmettent pas le même message et tendent à surestimer, selon nous, la vigueur du marché du travail ; (3) l’incertitude entourant l’estimation du taux neutre, qui conditionnera d’une certaine manière le point d’atterrissage de la baisse des taux.

En outre, le temps qui sépare la Fed de ses premières baisses de taux est un temps propice à l’observation de l’impact du resserrement monétaire passé (augmentation des impayés, faillites, difficultés d’accès au crédit, craintes sur l’immobilier commercial…). La normalisation progressive de la tension sur le marché du travail, couplée au manque de fiabilité des données, augmente la probabilité d’une dégradation inopinée de l’emploi. Pour être plus sereins, les membres de la Fed exigent l’accumulation d’un certain nombre de mois de données, susceptibles d’indiquer que le processus de désinflation n’est pas compromis.

Reste à savoir combien et si d’ici là, l’emploi « tiendra » …

Contenu rédigé par Florent Wabont, Économiste