Vous aviez l’habitude de parler de nomenclature ou de référentiel, oubliez dorénavant ces mots du siècle dernier pour employer le terme moderne (et plus anglo-saxon) de taxonomie !
Le 18 juin dernier une étape majeure a été franchie dans la mise en œuvre du plan d’action sur la finance durable par l’Union européenne. Le groupe d’experts techniques (TEG) désigné par la Commission européenne a publié un référentiel qui doit faciliter pour les investisseurs et les entreprises l’identification des secteurs qui génèrent des bénéfices environnementaux.
Cette taxonomie est mise en consultation publique pour avis, du 1er juillet au 10 septembre 2019. Elle transcrit un effort colossal pour évaluer la performance environnementale de nombreuses activités d’une façon consensuelle et holistique. Pour permettre sa mise en œuvre, un niveau minimal de reporting devrait être rendu obligatoire pour les entreprises et les investisseurs. Le document de 414 pages publié par le TEG ne constitue cependant qu’une première étape dans l’élaboration de la taxonomie et se concentre sur l’adaptation et l’atténuation du changement climatique. Soixante-sept secteurs ont été passés à la moulinette pour déterminer à quelles conditions ils apportent une contribution significative à la lutte contre le changement climatique sans provoquer de dommages collatéraux (« doing no significant harm » -DNSH-), tout en respectant des standards sociaux minimaux fondés sur les conventions de l’Organisation internationale du travail.
Le rapport, dans sa version actuelle, couvre l’agriculture, la forêt, la production industrielle, l’énergie, les transports, l’eau, les déchets, l’immobilier et les technologies de l’information. Il comporte aussi une méthodologie et des cas pratiques pour évaluer les besoins d’adaptation au changement climatique.
Les activités durables sont divisées en trois catégories :
- les activités peu carbonées déjà compatibles avec un objectif de neutralité carbone à 2050 ;
- les activités qui pourraient contribuer à atteindre cet objectif si elles étaient moins émettrices. Par exemple : pour être éligible la production d’électricité doit reposer sur une énergie qui n’émet pas plus de 100 g de CO2 par KWh, ce qui n’est pas le cas actuellement pour le gaz, considéré par beaucoup comme l’énergie fossile de transition ;
- les activités qui contribuent à rendre plus efficaces les deux autres catégories d’activités, par exemple des turbines pour les éoliennes. Par ailleurs trois principes gouvernent la définition de l’adaptation au changement climatique :
- l’activité du secteur doit permettre de diminuer le risque physique lié au climat ou d’améliorer l’efficacité d’autres secteurs économiques dans cette action ;
- l’activité du secteur ne doit pas entraver les efforts d’adaptation des autres secteurs ;
- le résultat de l’adaptation au changement climatique de l’activité du secteur doit pouvoir être piloté et mesuré avec des indicateurs prédéfinis.
Les besoins de financements pour atteindre les seuls objectifs « Climat » de l’Union européenne sont estimés entre 175 et 290 milliards par an. Pour les mobiliser et réorienter des flux financiers vers l’économie verte, le pari du plan d’action est de proposer une définition claire et ambitieuse de ce qui est durable. Mais, à la différence des « éco-activités » définies par le label Greenfin français, la taxonomie européenne ne se limite pas aux secteurs « verts » et inclut entre autres l’élevage, la production de ciment, d’aluminium ou d’acier, les engrais ainsi que les plastiques.
Nathan Fabian, qui a piloté le TEG après avoir participé au Groupe d’experts de haut niveau (HLEG) ajoute : « Nous voulons aussi créer des incitations à passer du marron au vert. Nous avons donc inclus dans la taxonomie des activités qui ne sont pas encore bas carbone afin de les pousser à s’améliorer. ». Conscient malgré tout de la levée de boucliers que cela va générer auprès des tenants d’une transition plus radicale de l’activité économique.