Désormais, plus de 77 pays sont touchés et le stade des 100 000 cas est en passe d’être atteint à l’échelle de la planète. Ce qui était avant tout un problème chinois s’est transformé en une urgence planétaire, ce qui implique des actions d’ampleur. Le G7 a ainsi promis de recourir à tous les instruments nécessaires pour soutenir l’économie mondiale. L’un de ces instruments est la baisse des taux directeurs comme celle opérée par la Reserve fédérale (Fed). Mais vu la poursuite des fortes baisses sur les indices boursiers, il en faudra plus pour ramener le calme sur les marchés financiers.
Les investisseurs attendent désormais des mesures de relance budgétaire, jugeant pour le moment insuffisantes les annonces de la Banque mondiale (12 milliards de dollars – Mds$), du FMI (10 Mds$), des Etats-Unis (8,3 Mds$) ou de l’Italie (7,5 milliards d’euros). Or, les stigmates de la crise financière de 2008 sont toujours présents, notamment dans le niveau élevé des dettes publiques.
A 134,8% du PIB en Italie ou à 106,9% aux Etats-Unis, un recours massif au déficit risque de porter la dette à des niveaux plus qu’insoutenables. Dans la mesure où « l’enfer est pavé de bonnes intentions », le risque ici est de voir la (nécessaire) lutte contre le Coronavirus se transformer en quelque chose de pire à long terme pour les finances publiques. C’est le principe du « primum non nocere », autrement dit le risque que le remède soit plus nocif que la maladie. Mais apparemment, les investisseurs attendent des Etats qu’ils en fassent trop plutôt que pas assez. D’où une grande déception en l’absence d’avancées concrètes sur une relance de grande ampleur.
On a ainsi vu le Dow Jones perdre du terrain une troisième semaine consécutive (-0,19%, à 25 354 points) alors que l’Europe reculait plus fortement (-2,5% pour l’EuroStoxx 50, à 3 242 points). Cette surperformance s’explique par les résultats des élections du « Super Tuesday » qui ont repositionné Joe Biden comme le favori pour remporter la Primaire des Démocrates au détriment de Bernie Sanders, pourfendeur et véritable épouvantail pour Wall Street. Dans ce contexte de forte volatilité (S&P VIX : +8,6%, à 48,2 points), les enquêtes n’ont qu’une importance moindre. On a pu en avoir une illustration avec un rapport d’emploi robuste qui a vu la création de 273 000 postes aux Etats-Unis en février. Les investisseurs sont tétanisés par le spectre d’une récession, estimée à 44,3% dans les 12 prochains mois en se basant sur l’écart entre l’indice S&P 500 et les obligations notées BBB pour les Etats-Unis.
Ce chiffre semble exagéré puisque le modèle de la Fed de New York ne l’estime qu’à 31%. Mais on se demande comment l’Allemagne, l’Italie ou le Japon pourrait y échapper. D’où une poursuite du « flight to quality » qui profite en premier aux obligations américaines. Le rendement du taux à 10 ans a ainsi plongé fortement pour s’établir à un nouveau plus bas historique (-36 points de base, à 0,77%). De ce fait, l’écart de rendement entre les taux à 10 ans et à 3 mois est redevenu négatif.
Cela milite pour le scénario d’une nouvelle détente monétaire lors de la réunion du 18 mars après la baisse surprise de 50 points de base. Dans ces conditions, le dollar perd de sa superbe contre la plupart des monnaies (-2,4% pour son taux de change effectif, à 95,8 points). A contrario, l’euro regagne des couleurs contre le billet vert en affichant l’une des meilleures performances sur la semaine (+3%, à 1,1351 dollar).
Karamo KABA, Directeur des études économiques