Les dirigeants des sociétés de l'indice phare de la Bourse de Paris gagnent ainsi en moyenne 90 fois plus que les salariés de ces mêmes sociétés, contre seulement 73 fois en 2014. Ce ratio dit « d’équité » est d’autant plus intéressant que la Loi Pacte, votée au printemps, va imposer aux entreprises la publication des écarts d’évolution salariale des dirigeants par rapport à celle de leurs équipes. Dans sa méthodologie, Proxinvest valorise l’ensemble des formes de rémunération des dirigeants attribué au titre de l’exercice 2018 : fixe, bonus annuel, jetons, avantages en nature, stock-options et actions gratuites de performance valorisées à leur date d’attribution, intéressement en numéraire et autres formes indirectes de rémunération.
Une bonne partie de la hausse de la moyenne du CAC 40 est due à l'intégration en 2018 dans l'indice phare de la Bourse de Paris de Dassault Systèmes, dont le directeur général Bernard Charlès a perçu 33,1 millions d'euros. Deuxième patron le mieux rémunéré de France, François-Henri Pinault a perçu 17,3 millions d'euros d'après le calcul de Proxinvest. Surtout Carlos Ghosn, numéro un de Renault-Nissan avant d'être démis de ses fonctions à la suite de son arrestation au Japon, est tout de même parvenu à se hisser à la troisième marche du podium avec 14,3 millions d'euros, et ce même s'il a été privé d'actions gratuites et de retraite.
Encore plus difficile à justifier, la rémunération du PDG du groupe parapétrolier franco-américain TechnipFMC, Douglas Pferdehirt, arrive quatrième (11,7 millions), alors que la société affiche des pertes nettes de 1,7 milliard, une baisse de 16% de son chiffre d’affaires et même de 60% de son cours de Bourse depuis la fusion de 2017.
Proxinvest constate par ailleurs dans les packages de rémunération du CAC 40 la quasi-disparition des stock-options (2% du total) et la prépondérance des actions gratuites (40% du total), ces dernières ayant la vertu d’être généralement assujetties à des conditions de performance de moyen-long terme (en général 3 ans) mais l’inconvénient d’être parfois attribuées dans des volumes incontrôlés. La part du salaire fixe s’élève en moyenne à 20% du total et celle du salaire variable à 26%.
Cette année encore l’étude conclut à une absence de justification de l’ampleur des hausses de rémunération au sein du CAC 40, tant sur le plan de la performance actionnariale que sur le plan de la cohésion sociale. En effet, en 2018, on observe une baisse de 6,2% des bénéfices nets cumulés au sein du CAC 40 à échantillon constant et une baisse de 8% de l’indice CAC 40 dividendes réinvestis.
La hausse de la rémunération fixe de plus de 3% dans le CAC 40 est beaucoup plus rapide que l’inflation moyenne de 2018 de 1,8%. De même, sur la période 2014-2018, la rémunération moyenne des salariés du CAC 40 a augmenté de 12,6% comparée à la hausse de 37,1% de la rémunération moyenne des dirigeants du CAC 40, soit trois fois plus.
Enfin Proxinvest s’est essayée à comparer l’évolution de la rémunération du directeur général sur la période 2015-2018 avec un indice de performance financière des sociétés (chiffre d’affaires : 12,5% ; résultat opérationnel : 12,5% ; bénéfice par action : 12,5% ; cash-flow opérationnel : 12,5% ; rendement pour l’actionnaire : 50%). Le résultat est édifiant : 59% des sociétés ayant des performances inférieures à la médiane ont vu la rémunération de leur dirigeant augmenter et inversement 20% des sociétés ayant des performances supérieures à la médiane ont vu la rémunération de leur dirigeant diminuer.
La transparence des rémunérations des dirigeants est dorénavant quasi-totale, l’approbation de ces dernières par les actionnaires s’est également généralisée mais la tendance demeure immuable : la hausse est décorrélée de la performance.
François Lett, Directeur du développement éthique et solidaire