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INFO PARTENAIRE

Que la neutralité carbone est un objectif compliqué !

Reste donc aux chefs d’Etat et de gouvernement à décider d’ici fin 2020 de la part allouée à l’action climatique.

Tout avait bien commencé en début de semaine dernière. Après deux ans de hausse, le Centre technique d’études de la pollution atmosphérique annonçait que les émissions de gaz à effet de serre avaient diminué de 4,2% en France entre 2017 et 2018. Ce résultat n’est cependant pas dû à l’utilisation d’une énergie plus propre mais à une baisse des rejets de CO2 liés à la production d’électricité en raison de l’hiver particulièrement doux et d’une meilleure disponibilité du parc nucléaire.

La suite de la semaine a été plus décevante. Réunis en Conseil européen les 20 et 21 juin, les pays membres de l’Union européenne n’ont pas réussi à s’accorder sur un objectif de neutralité carbone en 2050, conformément à ce qui a été signé dans l’Accord de Paris. Là encore, le scénario semblait bien engagé. Au départ, ils n’étaient que neuf pays (Belgique, Danemark, Espagne, France, Lettonie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suède) à demander la mention claire de la neutralité climatique au plus tard en 2050. En fin de journée pourtant, vingt-quatre des vingt-huit Etats membres avaient basculé en faveur de cet objectif, qui ne se limite pas à réduire à zéro les émissions de gaz à effet de serre mais à fortement les restreindre et à compenser les rejets résiduels par des puits de carbone naturels (forêts, prairies, etc.) ou des techniques de captage et de stockage. Surtout, l’Allemagne avait fini par céder face au mouvement des jeunes pour le climat et à la percée des Verts aux Européennes. C’était sans compter sur la réticence des pays les plus dépendants du charbon, à savoir la Pologne, soutenue par la Hongrie, la République tchèque et l’Estonie. Varsovie réclamait un engagement des autres capitales garantissant le versement de fonds européens supplémentaires pour financer sa transition, jugée plus coûteuse, car encore très dépendante du charbon. L’Union européenne présentera donc les mêmes objectifs que les années précédents, à savoir une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030 et de 80% d’ici 2050. Or, selon la trajectoire actuelle, elle n’atteindrait qu’une baisse de 60% d’ici le milieu du siècle.

Reste donc aux chefs d’Etat et de gouvernement à décider d’ici fin 2020 de la part allouée à l’action climatique dans un budget d’environ 1 200 milliards d’euros prévus pour la période 2021-2027. Les Français, par exemple, plaident pour un budget qui consacrerait jusqu’à 40% des montants à la transition écologique.

En France, le projet de Loi Energie-Climat examiné en première lecture à l’Assemblée nationale du 26 au 28 juin entériné l’objectif de neutralité carbone en 2050, celle-ci devant être atteinte en divisant les émissions de gaz à effet de serre par six par rapport à leur niveau de 1990, alors que la Loi de 2015 ne prévoyait qu’une division par quatre. La part des ressources fossiles dans la consommation d’énergie primaire devra quant à elle être réduite de 40% en 2030, soit davantage que les 30% prévus jusqu’ici. L’arrêt des quatre dernières centrales à charbon françaises en 2022 a également été confirmé.

Sur le grand chantier de l’éradication des « passoires thermiques » (plus de sept millions de logements étiquetés F et G pour leurs faibles performances énergétiques), les députés ont fortement réduit les ambitions initiales. A compter du 1er janvier 2022, les propriétaires de ces « passoires thermiques » devront dresser un audit énergétique précisant les travaux à effectuer et leur coût. Ce n’est qu’en 2028 (et même 2033 pour les copropriétés en difficulté) qu’entrera en vigueur l’obligation, pour ces propriétaires, d’avoir réalisé des travaux permettant d’atteindre au moins la classe E.

Malgré ces compromis qui se placent dans un temps long pour éviter un rejet des citoyens (de type gilets jaunes), la réalité montre que le budget carbone alloué pour atteindre la neutralité carbone n’est pas respecté depuis la mise en place de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) en 2015. Ainsi, pour le premier budget carbone qui couvrait la période 2015-2018, nous notons un dépassement de 4%, soit 72 millions de tonnes de CO2. Pour la deuxième période 2019-2023, nous nous orientons vers un nouveau dépassement de 6%. La trajectoire nécessaire pour respecter l’Accord de Paris est donc aujourd’hui loin d’être atteinte en Europe comme en France.