Si la Maison Blanche est actuellement peu intéressée pour soutenir la progression des femmes dans les lieux de pouvoir, qu’en est-il des conseils d’administration des plus importantes entreprises américaines ? Une passionnante étude d’Institutional Shareholder Services (ISS) vient de faire un état des lieux du traitement de la diversité. Cette analyse a porté sur le Russell 3000, indice des 3 000 sociétés américaines cotées les plus importantes et conclut à cinq tendances majeures dans les nominations d’administrateurs en 2019.
Le taux de renouvellement des conseils est en progression. En 2019, 5,3% des administrateurs du Russell 3000 ont été élus pour une première fois dans leur conseil. Ce chiffre peut paraître faible mais il était inférieur à 4% au début de la décennie et près de 25% des administrateurs ont connu leur 1er mandat au cours des trois dernières années. De même, 35% des entreprises de l’échantillon ont élu au moins un nouvel administrateur en 2019, seuil au plus haut historique.
Le pourcentage de femmes rejoignant un conseil atteint aussi un record. 45% des nouveaux administrateurs du Russell 3000 sont des femmes en 2019. Cette proportion n’était que de 11% en 2008 ! Contrairement à la France où la Loi Zimmermann-Copé de 2011 impose une proportion de 40% d’un des deux sexes au sein des conseils d’administration pour les entreprises cotées et celles de plus de 500 salariés, rien de tel existe aux Etats-Unis. Cependant, pour la première fois en 2019, une Loi fédérale californienne oblige la présence d’au moins une femme au conseil et de trois femmes à compter de 2021 pour tous les conseils d’au moins six membres. D’autres Etats comme le New Jersey vont suivre en 2020. Aujourd’hui, les femmes représentent 27% des conseils des entreprises du S&P 500 contre 16% en 2008.
La diversité ethnique (sur laquelle les statistiques sont possibles aux Etats-Unis contrairement à la France) est elle aussi à un plus haut, même si elle progresse moins vite que la place des femmes. 20% des nouveaux administrateurs du S&P 500 ne sont pas des personnes blanches (« non-caucasian » comme disent les américains). Cette proportion était de 15% en 2008. En 2019, pour les conseils des entreprises du Russell 3000, les « afro américains » composaient 4,1% des conseils suivis par les asiatiques (2,9%) et les latino-américains (1,8%).
L’expertise des nouveaux administrateurs porte de plus en plus sur des sujets non financiers. Si l’on compare les expertises entre les administrateurs en place depuis plus de 5 ans et ceux présents depuis un an au plus, il y a 10 points d’écart en faveur des seconds pour l’expertise technologique et 8 pour l’expérience internationale ; en revanche, on observe une moindre proportion d’expertise traditionnelle, comme la finance, l’audit et un poste de CEO. Si l’on cherche maintenant à mesurer la différence de la prévalence des expertises des anciens et des nouveaux administrateurs, on arrive à 78% pour l’expérience internationale, 72% pour la responsabilité sociale et 57% pour les ressources humaines.
Enfin - et c’est contre intuitif par rapport à ce qui se passe avec les élus politiques - l’âge moyen des administrateurs continue à augmenter. L’administrateur d’une entreprise du Russell 3000 avait, en 2008, 59,7 ans en moyenne alors qu’il en a 62,1 en 2019. Plus embêtant, alors qu’en 2008 11,5% des nouveaux administrateurs avaient moins de 45 ans, ils ne sont plus que 7,2% aujourd’hui. Cependant le pourcentage de nouvel administrateur de plus de 67 ans est passé de 10,8% en 2014 à 6,5% en 2019. La proportion des membres du conseil de plus de 67 ans dans l’échantillon étudié atteint un plus haut historique de 31,6% (22,1% en 2008). Parallèlement, la proportion des administrateurs de moins de 45 ans est passée de 5,1% en 2008 à 3,2% aujourd’hui.
Les investisseurs, les entreprises et les régulateurs vantent tous aujourd’hui les mérites de la diversité dans la conduite de l’entreprise. La multiplicité des expériences et expertises requises - au-delà de la traditionnelle finance - explique peut-être le vieillissement moyen des administrateurs. Gageons que la montée des problématiques de développement durable et de réchauffement climatique va, à l’inverse, influer vers un rajeunissement des conseils.