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INFO PARTENAIRE

Les leçons des difficultés de la fusion entre Essilor et Luxottica

La nouvelle loi PACTE n’est-elle pas pour une fois en avance sur les marchés dans la vision de l’entreprise ?

Plus de deux ans après avoir convolé en justes noces, les deux géants de l’optique voient leur union tourner à l’aigre. La formation du conseil d’administration (CA) d’EssilorLuxottica avait initialement recherché un équilibre entre les administrateurs désignés par Essilor – au nombre de huit – et les huit autres nommés par Luxottica. Selon les termes de l’accord de rapprochement, les décisions doivent être prises par le Président-Directeur général et le Vice-président Directeur général. Ces derniers disposent de pouvoirs identiques et égaux. En cas de désaccord, pour départager une majorité au conseil, l’accord de rapprochement ne prévoit rien et conduit à la paralysie du conseil. C’est le cas aujourd’hui. Le 20 mars dernier, le Président-Directeur général, Leonardo Del Vecchio a estimé que certains comportements d'Essilor et nommément d’Hubert Sagnières – Vice-président Directeur général délégué – constituent une « violation claire » de l'accord de fusion et des règles de gouvernance du nouveau groupe franco-italien. De ce fait, il a saisi la Chambre de Commerce Internationale (CCI) et demandé un arbitrage. Le dénouement de ces différends, très préjudiciables à EssilorLuxottica dont le cours du titre a chuté de près de 25% depuis le 1er octobre 2018, ne devrait pas avoir lieu avant 2021.

Quelles solutions trouver ?

En novembre 2018, Phitrust avait tenté de déposer une résolution espérant obtenir la dissociation des fonctions de direction. À l’assemblée générale du 29 novembre 2018, en réponse aux questions écrites de Phitrust, le Président et le Président du Comité des Nominations, ont réaffirmé les termes de l’accord initial qui prévoit la recherche d’un CEO dès janvier 2019. Pour l’assemblée générale à venir (16 mai 2019), trois résolutions externes ont été déposées proposant ainsi la nomination d’administrateurs indépendants qui pourraient – selon leurs auteurs – permettre une sortie de la présente crise de gouvernance.

Les difficultés de la fusion n’auraient-elles pas dues être anticipées par les protagonistes en raison des différences frappantes de leur culture d’entreprise ?

L’histoire montre en effet que les «fusions entre égaux» ne sont qu’une clause de style ; on peut songer par exemple aux opérations récentes Alcatel/Lucent ou Daimler/Chrysler. Pour la fusion Essilor/Luxottica, les deux sociétés – leaders de leur marché – avaient des activités très différentes : Essilor spécialisée dans la conception et la production de verres correcteurs et Luxottica spécialisée dans la fabrication et la distribution de montures de lunettes. L’intégration verticale combinant les forces des deux entreprises : innovation/production et puissance de distribution «retail» faisait a priori sens. Toutefois, cette conclusion hâtive faisait fi des cultures d’entreprise très différentes. Essilor s’attribuait une ambition sociétale claire : «améliorer la vision pour améliorer la vie», l’entreprise avait d’ailleurs nommé dès 2013 un responsable de la mission et du développement durable, membre du comité exécutif. Le CA avait également un comité RSE. Rien de tout cela chez Luxottica, dont le slogan était beaucoup moins engagé en dépit de son lyrisme : «pour voir la beauté de la vie». Les gouvernances avaient également des philosophies très différentes : les salariés d’Essilor possédaient 8,4% du capital et 14,4% des droits de vote avec un capital complètement ouvert, tandis que Leonardo Del Vecchio contrôlait 62,4% du capital de Luxottica. Le CA d’Essilor était très international et comportait 3 représentants des salariés sur 15 membres tandis que celui de Luxottica était 100% italien. La nouvelle loi française PACTE qui met en avant la raison d’être de l’entreprise n’est-elle pas pour une fois en avance sur les marchés dans la vision de l’entreprise ?