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INFO PARTENAIRE

Le monde est toujours « accro » au charbon…

Les discussions que les Européens ont aujourd’hui sur la sortie du charbon, l’Asie du Sud-Est les aura dans dix ou quinze ans.

En apparence, les bonnes nouvelles se multiplient pour la lutte contre le réchauffement climatique, du moins en ce qui concerne le charbon.

Fin février, le géant minier anglo-suisse Glencore, premier exportateur mondial du minerai et premier producteur après la Chine, a annoncé qu’il allait geler sa production de charbon « aux niveaux actuels ». En Allemagne, cinquième plus gros consommateur mondial, la Commission nationale sur l'avenir du charbon mandatée par le gouvernement est parvenue à un accord sur une feuille de route qui prévoit un arrêt en 2038 de la production d’électricité à partir de charbon. En France, le Crédit Agricole vient d’annoncer son engagement de réduire à zéro l'exposition de ses portefeuilles de financement et d'investissement au charbon d'ici 2030 dans les pays européens et de l'OCDE, d'ici 2040 en Chine et d'ici 2050 dans le reste du monde.

Pourtant, en 2017, la consommation mondiale de charbon est repartie à la hausse selon les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), et tout indique que la tendance sera la même en 2018. Selon les prévisions de l’agence, la hausse devrait continuer autour de 0,5% par an jusqu’en 2023. Fait alarmant, la part du charbon dans la production d’électricité mondiale ne varie pas depuis 30 ans du seuil de 38%. Or le charbon est de loin la manière de produire de l’électricité qui émet le plus de dioxydes de carbone (CO2) et qui contribue le plus au changement climatique avec près de 40% des émissions totales.

L’explication est simple : en Asie, le charbon reste un moyen peu onéreux de produire de l’électricité. C’est notamment le cas en Chine, qui concentre 48% de la consommation mondiale avec une croissance de 8,5% par an. Un quart du charbon utilisé sur la planète pour produire de l’électricité est brûlé en Chine et sa progression est également très forte en Inde et dans l’ensemble de l’Asie du Sud-Est.

Cependant, après s’être targué, il y a quelques années, d’inaugurer une centrale à charbon par jour, Pékin a décidé en 2018 de limiter fortement l’exploitation de ce minerai qui fournit encore plus de 60% de son électricité. En France, où l’on en consomme très peu, Emmanuel Macron a promis de fermer les quatre dernières centrales à charbon d’ici à 2022. En Europe, seule la Pologne s’arc-boute sur l’utilisation du charbon sans prévoir de scénario de sortie.

« C’est le marché qui est en train de venir à bout du charbon » note Sylvie Cornot-Gandolphe, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (IFRI). « Il est de moins en moins compétitif, parce que le gaz est devenu abondant et peu cher, avec le développement des forages de schiste. » Malheureusement, à en croire un rapport de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA) publié fin janvier, les institutions chinoises assurent le financement d’un quart des centrales à charbon en construction dans le monde. « Ces centrales récentes sont l’un des plus grands défis auxquels nous devons faire face » s’alarme Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE. « En Europe ou aux Etats-Unis, les tranches ont 40 ans en moyenne. En Asie, on trouve plus de 1 400 gigawatts de centrales qui ont onze ans de moyenne d’âge. Elles sont loin d’être à la retraite. C’est le talon d’Achille de la bataille pour le climat. »

« Les discussions que les Européens ont aujourd’hui sur la sortie du charbon, l’Asie du Sud-Est les aura dans dix ou quinze ans » conclut Sylvie Cornot-Gandolphe. Toute la question est de savoir si le respect des Accords de Paris est compatible avec un délai de transition aussi long. L’argument économique pourrait accélérer les choses. D’après une étude récente de Carbon Tracker, plus de 40% des centrales au charbon dans le monde ne sont pas rentables et ce taux pourrait dépasser 70% d'ici 2040. En outre, d’ici 2030, il sera moins coûteux de recourir aux nouvelles sources d'énergie solaire et aux éoliennes que de continuer à faire fonctionner au charbon 96% des centrales existantes ou en projet, précise le think tank.

Beaucoup d’experts estiment que le captage et le stockage du CO2 serait le moyen le plus rapide et le plus efficace pour limiter l'impact du charbon sur le climat mais cette technologie reste encore trop coûteuse et donc peu développée. 2,4 millions de tonnes de CO2 sont actuellement concernées chaque année alors que, pour respecter l’Accord de Paris, il faudrait atteindre 350 millions en 2030 et, sans prix du CO2, l’espoir d’y parvenir est mince.