En effet, pas moins de 80% du CO2 rejeté chaque année dans l'atmosphère leur est imputable. Les émissions de CO2 du G20 liées à l'énergie ont augmenté globalement de 1,8% en 2018, rappelle le « Brown to Green Report 2019 », publié en novembre 2019 et rédigé par un collectif de 14 centres de recherche et de réflexion sur le climat associé à la Banque Mondiale. Plus grave, le diagnostic sur « l’absence de signes d’un pic des émissions qui pourrait être atteint dans les prochaines années », relevé par le rapport. Pour quelle raison ? Croissance économique oblige, la production des matières premières fossiles que sont le gaz, le pétrole et le charbon, est repartie à la hausse dans neuf pays du G20. Hors, pour conserver une chance de ne pas franchir la barre des 2°C, ces rejets devraient être réduits de 25% d’ici à 2030, par rapport à leur niveau de 2018 (soit une baisse de 2,7% par an), et chuter de 55% pour que le seuil de 1,5°C ne soit pas dépassé (soit - 7,6% par an). Sans cela, la température du globe pourrait atteindre + 3,9°C d’ici à la fin du siècle.
En 2018, les émissions des membres du G20 ont augmenté dans tous les secteurs : + 1,8% pour l’énergie, + 1,2% pour les transports et de + 4,1% pour le bâtiment, alors qu'en moyenne les émissions s'étaient stabilisées au cours de la dernière décennie pour ce secteur d’activité. Les subventions des États du G20 fournies aux énergies fossiles se sont par ailleurs élevées à plus de 127 milliards de dollars. Seulement neuf pays les ont réduites l’an dernier…
Également en 2018, les émissions du secteur de l'électricité ont augmenté de +1,6%, soit une progression similaire à la moyenne annuelle des dix dernières années. L'Indonésie et la Turquie brûlent plus de charbon que jamais pour produire de l'électricité et leurs émissions d'électricité ont le plus augmenté en 2018. Autre problématique, les institutions publiques du G20 ont financé la production de charbon et d'électricité à partir du charbon à l'échelle internationale à hauteur de 17 milliards de dollars et à l'échelle nationale à hauteur de 11 milliards de dollars en moyenne en 2016-2017.
« Depuis le 4ème rapport du GIEC en 2007, nous répétons que les émissions de CO2 doivent atteindre un pic en 2020 au plus tard pour garder une chance de rester sous les 2°C », rappelle le climatologue Jean Jouzel, ancien vice-président du groupe de travail scientifique du GIEC. C’est aujourd’hui pratiquement impossible, sauf à pomper 10 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère chaque année jusqu’à la fin du siècle. « Nous laissons aux générations futures un monde où non seulement le réchauffement sera très important, mais où il faudra aussi pomper le CO2 que nous émettons aujourd’hui. C’est très problématique d’un point de vue éthique », s’indigne-t-il.
« Des transformations sociétales et économiques majeures doivent avoir lieu au cours de la prochaine décennie pour compenser l’inaction du passé, notamment en ce qui concerne la décarbonisation rapide des secteurs de l’énergie, du bâtiment et des transports », écrivent les auteurs du rapport. Le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) défend également la sortie du charbon et l’amélioration de l’efficacité énergétique. Une transition énergétique qui nécessite toutefois des investissements estimés entre 1 600 et 3 800 milliards de dollars par an dans le monde au cours de la période 2020-2050.
Tous les jours, les unes des médias reprennent les déclarations d’intention des États, des entreprises et des organisations publiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Force est de constater que la réalité mesurée par les experts reste loin de ces objectifs alors que la fenêtre d’action pour que l’homme puisse éviter une « sortie de planète » se réduit de plus en plus.
François Lett, Directeur du développement éthique et solidaire