Dans une lettre du 3 avril au ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, Geofffroy Roux de Bézieux, président du Medef, exige sans sourciller « un moratoire sur la préparation de nouvelles dispositions énergétiques et environnementales ». Le lobbying efficace de l’industrie du plastique a réussi à réintroduire le sac plastique à usage unique pourtant banni, en accusant le sac réutilisable d’être propice à la diffusion du virus, sans même s’appuyer sur des études scientifiques. Dans cette continuité, l’industrie agrochimique demande des assouplissements sur les quantités maximales de résidus autorisées dans l’alimentation, de même que sur les distances de sécurité entre habitations et zones traitées.
Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, avec l’ambition de faire du « green deal » le pilier de son mandat. Malheureusement, une majorité d’Etats membres le remet en cause, et même la sérieuse Allemagne procrastine pour transmettre à Bruxelles son plan énergie-climat, qui doit préciser les moyens mis en œuvre pour réduire ses émissions de CO2 d’ici à 2030.
Aux États-Unis, pour stimuler la reprise américaine, Donald Trump a revu à la baisse les objectifs d’émissions de CO2 mis en place par Barack Obama pour les constructeurs automobiles en réduisant l’exigence de diminution des émissions des véhicules de 5% à 1.5 % par an. Et pourtant, une enquête de l’Institut Ipsos place le changement climatique (33%) comme une préoccupation majeure des français, devant le pouvoir d’achat (31%), le chômage (18%) et l’insécurité (16%).
Le Haut conseil pour le Climat (HCC), organise indépendant mis en place en mai 2019 composé de treize spécialistes de la science du climat, de l’économie, de l’agronomie et de la transition énergétique, est chargé de donner des avis sur les politiques publiques à mettre en œuvre pour tenir les engagements internationaux en matière de lutte contre le réchauffement climatique. A point nommé, ce dernier vient de publier un rapport spécial consacré aux enseignements à tirer de la crise du Covid-19 pour le climat (« Climat, santé : mieux prévenir, mieux guérir »).
Pour le HCC, la crise sanitaire souligne le besoin urgent de réduire nos vulnérabilités aux risques sanitaires et climatiques. « La baisse radicale des émissions de gaz à effet de serre constatée en France pendant la crise du Covid-19 reste marginale face aux enjeux climatiques ». En effet, ces réductions ne sont pas la conséquence de changements volontaires, mais d’une sobriété imposée et temporaire des déplacements et de la consommation, vraisemblablement de courte durée.
Le HCC préconise donc l’extension du télétravail, l’accélération de la rénovation des bâtiments ou encore l’investissement dans l’efficacité énergétique et dans les infrastructures bas carbone (comme le ferroviaire, les transports en commun ou les réseaux de chaleur). Plus généralement, toute aide publique devrait être subordonnée à « l’adoption explicite de plans d’investissements et de perspectives compatibles avec la trajectoire bas carbone. »
Dans l’automobile, les constructeurs sont invités à investir dans la voiture électrique. Pour l’aérien, seul secteur où les émissions poursuivent leur hausse (+5 % en 2019, +26 % depuis 2012) les exemptions actuelles d’objectifs climatiques ne sont pas compatibles avec le respect des Accords de Paris, explique la présidente et climatologue Corinne Le Quéré.
Alors que le prix du baril de pétrole n’en finit pas de plonger, le Haut Conseil rappelle que ce phénomène n’a rien de réjouissant pour le climat : il rend en effet les énergies renouvelables moins compétitives et masque donc l’enjeu de sécurité énergétique pour la France. L’instance préconise.
François LETT, Directeur du développement éthique et solidaire