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La responsabilité fiscale : de l’implication à l’application ?

Force est de reconnaître que la responsabilité fiscale est de plus en plus prise en compte par les gérants ISR.

La responsabilité fiscale est une préoccupation partagée par les autorités internationales et nationales ainsi que les gestionnaires d’actifs mais dont la mise en œuvre effective relève du parcours du combattant.

Face aux pratiques d’optimisation fiscale mises en place de façon quasi systématique par les grandes multinationales le G20 et l’OCDE ont lancé en 2013 le projet « Base Erosion and Profit Shifting » (BEPS ou érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices). Par exemple, la fixation du prix de transfert entre deux filiales d’un même groupe situées dans deux Etats à fiscalité différente est une pratique très usitée : les entreprises facturent des prestations immatérielles surévaluées pour localiser l’impôt non pas dans le pays où la prestation a été réalisée mais dans celui où l’impôt sur le bénéfice est le plus faible.

Chaque année, l’évasion fiscale des multinationales prive les trésors publics de recettes estimées entre 100 et 240 milliards de dollars, soit l'équivalent de 4% à 10% des recettes issues de l'impôt sur les sociétés dans le monde. Parmi les mesures phares de l’accord BEPS on trouve l’obligation pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires de plus de 750 millions d’euros de déclarer leur activité pays par pays. Cette information, qui concerne 10 à 15% des entreprises, est limitée aux administrations fiscales donc non publiques. L’OCDE souhaite aussi que les Etats s’échangent automatiquement leurs "tax rulings".

Ces régimes fiscaux préférentiels consentis par l’administration fiscale aux multinationales étrangères étaient au cœur du scandale Luxleaks, révélé en 2014. Ces accords ne sont pas illégaux, mais ils permettent à de grandes entreprises de négocier le traitement fiscal que leur réservera tel ou tel pays et de minimiser ainsi leurs factures en localisant une partie de leurs bénéfices dans les pays les plus avantageux, au détriment d'autres Etats.

En janvier 2019, toujours dans le cadre de l’OCDE, 127 pays représentant 90% de l’économie mondiale ont signé un accord de principe pour imposer dès 2020 de nouvelles règles fiscales pour taxer les géants du numérique dont les fameux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Les mesures concrètes à mettre en œuvre vont reposer sur deux piliers :

la ré-allocation des droits à imposer : alors qu’aujourd’hui le droit à taxer va au pays dans lequel se trouve le siège social ou ses droits de propriété intellectuelle, ce droit à taxer pourrait être demain partagé entre le pays du siège et le pays où se trouvent les consommateurs ;

la mise en place d’un système d’impôt minimum qui autoriserait un Etat à récupérer la différence entre l’impôt acquitté à l’étranger et celui qui aurait été payé sur son territoire. Dans les faits, en 2017, Google a payé 14 millions d'euros d'impôt sur les sociétés en France, Apple 14,5 millions, Facebook moins de 2 millions, et Amazon 8 millions. Soit une taxation moyenne de 9% selon Bercy, contre 23% pour les PME françaises.

On peut déplorer la prudence et la lenteur de la mise en place d’une fiscalité plus équitable pour les entreprises et les pays mais force est de reconnaître que la responsabilité fiscale est de plus en plus prise en compte par les gérants ISR - notamment Ecofi Investissements - mais aussi par les gérants « mainstream » qui, au-delà des considérations éthiques, estiment que le risque de redressement fiscal des entreprises qui ont pratiqué l’optimisation fiscale à outrance génère un risque financier important.