Pas sûr qu’il soit reconnu par l’histoire pour cette qualité après la nouvelle flambée d’inscriptions au chômage ! Ainsi, pour la sixième semaine consécutive, il y a eu plus de 3 169 000 demandes d’allocation-chômage, ce qui porte à plus de 30,3 millions le nombre de demandeurs d’emploi aux Etats-Unis en six semaines, soit environ 18,4% de la population active d’avant la crise. Or, malgré les 20,5 millions de pertes d’emplois nettes en avril, le taux de chômage n’est ressorti qu’à 14,7% en avril, à un pic de 80 ans. Cela veut malheureusement dire que le taux de chômage va poursuivre son ascension, en accord avec la neuvième contraction de rang pour la composante « emploi » de l’indice ISM manufacturier, tombé de 43,8 à un plus bas historique de 27,5 points en avril. Cependant, en dépit de ces chiffres apocalyptiques, l’humeur des investisseurs est restée positive sur la semaine, de quoi alimenter encore les divergences entre « Wall Street » et « Main Street ».
En effet, les gains solides enregistrés par les grands indices américains ont de quoi susciter l’interrogation. Le Nasdaq (+5,8% sur la semaine, à 9 220 points) s’est même offert le luxe d’effacer toutes les pertes subies depuis le début de l’année alors même que le pays reste le principal foyer du Covid-19 et qu’aucun vaccin n’est attendu rapidement. Cette bonne santé des places financières peut s’expliquer par les espoirs d’un rebond rapide de l’activité économique après la constitution d’une importante épargne « forcée » (à 9,6%, au plus haut depuis 2012). Les investisseurs semblent donc tabler sur une ruée des consommateurs après le déconfinement, surtout après le bond du salaire horaire, passé de 3,1% à 7,9% sur une année glissante. Mais comme l’a indiqué Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale (Fed), cette perspective reste conditionnée à une « extraordinaire incertitude » qui peut, à n’importe quel moment, remettre en cause cette bonne orientation boursière.
En attendant, ce vent d’optimisme a contaminé les autres places financières dans le monde qui ont également fini la semaine sur une note positive (EuroStoxx 50 : +3%, à 2 906 points ; Nikkei : +2,9%, à 20 179 points). La plus forte progression est revenue au Merval (+11,7%, à 36 184 points) après avoir appris que, malgré l’expiration du délai pour s’éviter un défaut de paiement, l’Argentine s’était vue accorder un délai supplémentaire jusqu’au 22 mai pour trouver un accord avec ses créanciers.
Contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, ce flux de mauvaises statistiques n’a pas été profitable aux emprunts souverains, dont les rendements ont augmenté. Cela est dû à la baisse de l’aversion pour le risque (-9,2 points de pourcentage, à 28% pour l’indice S&P VIX) depuis que les banquiers centraux, la Fed en tête, ont une nouvelle fois rassuré les investisseurs sur leur détermination à ramener le calme sur les marchés.
Cela a même conduit certains investisseurs à commencer à anticiper une baisse des taux directeurs aux Etats-Unis, ce qui nous paraît très exagéré à ce stade. A la différence de la Fed - qui n’a pas fait de nouvelle annonce - la Banque centrale européenne (BCE) a lancé le programme PELTRO (pandemic emergency longerterm refinancing operations), en plus de son programme PEPP (programme d'achat d'urgence pandémique) lancé en mars et doté d’une enveloppe de 750 milliards d’euros afin de refinancer les banques à un taux de -0,25%.
Les autres options présentées par la BCE, comme la possibilité d’acheter des obligations plus risquées, devra toutefois attendre qu’elle trouve la parade pour contourner les objections de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe sur les achats de titres souverains. Cela a pesé sur l’euro qui est passé de 1,10 à 1,08 dollar sur la semaine, en recul de 1,2% contre le billet vert.
Karamo Kaba, Directeur des études économiques