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Amazonie : les chiffres à retenir

Face à une déforestation galopante, certains scientifiques craignent qu’un point de non-retour ne soit franchi à partir d’une déforestation de 20 à 25% de l’Amazonie.

Depuis le début de l’année, 44 000 feux ont été comptabilisés dans la forêt amazonienne. Ce chiffre – calculé par les satellites de l’INPE (l’agence brésilienne pour la recherche spatiale) et de la NASA – est le plus élevé depuis 2010. Les feux sont provoqués par les défrichements par brûlis utilisés pour transformer des aires forestières en zones de culture (souvent du soja) et d’élevage, effectués généralement pendant la saison sèche qui s’achève dans deux mois. Cette pratique illégale reste couramment pratiquée. Au total, la déforestation en juillet 2019 a été quasiment quatre fois supérieure à celle de juillet 2018.

La première des conséquences est la libération dans l’air d’une très grande quantité de dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à effet de serre contribuant au réchauffement du climat terrestre. Parce que la combustion de la biomasse émet naturellement du CO2, mais aussi parce que la mort des arbres libère tout le carbone qui y est séquestré depuis des décennies. De récentes études publiées dans Science et Nature ont montré qu’à l’exception des forêts primaires (c’est-à-dire des forêts non façonnées par l’Homme, en recul de 10% dans les zones tropicales entre 1990 et 2015), les forêts usées par les sécheresses et la déforestation jouaient de moins en moins ce rôle d’absorption, voire pouvaient devenir des émetteurs nets de CO2.

Les feux de savane - qui constituent une partie importante de ces incendies – n’ont cependant aucun effet négatif sur les écosystèmes. Au contraire, ils permettent leur régénération. Florent Mouillot, écologue chargé des incendies à l’Institut de Recherche pour le Développement, explique cependant que « contrairement aux savanes, aux forêts méditerranéennes ou boréales, les arbres amazoniens ne sont pas adaptés aux incendies : ils meurent ainsi que leurs graines, de sorte que la forêt ne se régénère pas. »

Ces feux ont pour l’instant généré 275 millions de tonnes de CO2, proportion certes importante face aux 476 millions de tonnes de CO2 émises en 2017 par le Brésil mais faible au regard des 37 milliards de tonnes d’émissions mondiales de CO2 d’origine fossile en 2018. A l’échelle mondiale, les incendies émettent entre 2 et 3 milliards de tonnes de carbone par an, la moitié provenant des feux de savane, contre 15% pour les feux de forêts tropicales. Ces émissions sont en baisse de 25% sur les vingt dernières années, essentiellement en raison de la conversion de la savane africaine en surfaces agricoles, qui brûlent moins facilement. Au total, la déforestation contribue à 10% des émissions mondiales de CO2.

Par ailleurs les incendies détruisent les « puits de carbone », c’est-à-dire la capacité des végétaux à absorber du CO2, permettant ainsi de limiter le réchauffement climatique. L’Amazonie stocke 100 gigatonnes de carbone et absorbe 5% des émissions fossiles mondiales. Les forêts amazoniennes encore intactes représentent entre 10 et 20% de l’absorption mondiale de CO2 par la végétation et les sols – les océans étant les principaux puits. La forêt amazonienne régule également en partie le climat en participant notamment au cycle de l’eau. De gigantesques quantités d’eau s’évaporent des arbres et forment les nuages, qui à leur tour génèrent des précipitations qui irriguent les sols. Moins d’arbres entraînent donc moins de précipitations, des sols plus arides, qui faciliteront à leur tour les feux de forêt.

Face à une déforestation galopante, certains scientifiques craignent qu’un point de non-retour ne soit franchi à partir d’une déforestation de 20 à 25% de l’Amazonie alors que l’on estime que 20% de la forêt a été détruite depuis 50 ans. Pourtant, l’Amazonie, contrairement à l’expression de « poumon vert de la planète » qui lui est fréquemment attribuée, ne produit en réalité qu’une quantité infime de l’oxygène que nous respirons : elle émet entre 5% et 6% de l’oxygène atmosphérique, mais en consomme quasiment autant par la respiration des plantes et des bactéries dans les sols.

Au-delà de l’effet carbone, la destruction de la forêt amazonienne menace surtout l’exceptionnelle biodiversité qu’elle héberge. Cet écosystème, qui représente seulement 1% de la surface émergée du globe, abrite 10% des espèces connues et 25% de la biodiversité. Comme le remarque Valérie Masson Delmotte, co-présidente du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) notre modèle de développement est clairement en cause : « beaucoup de tourteaux de soja brésilien sont importés pour nourrir les animaux d’élevage en Europe. C’est un risque de déforestation lié à nos importations et à notre modèle agricole. »