Elisabeth Borne succède à Jean Castex au poste de Première ministre.
©CHRISTIAN HARTMANN/POOL/AFP
Politique

À Matignon, Elisabeth Borne succède à Jean Castex pour s'atteler à la "planification écologique"

A Matignon, Elisabeth Borne devra mettre en oeuvre la "planification écologique" promise par le président. Entre objectifs ambitieux à court et long terme et leadership, la transition vers une économie bas-carbone nécessite une orchestration, notent les experts.

"Il faut agir plus vite et plus fort" face au "défi climatique et écologique" en suivant "la nouvelle méthode voulue par le président de la République", "au plus près des Français" : dès sa prise de fonctions la nouvelle Première ministre s'est inscrite dans les pas d'Emmanuel Macron, qui a promis de nommer un chef de gouvernement "directement chargé de la planification écologique".

Un concept qui fait beaucoup parler alors que la justice a reproché à l'Etat de ne pas en faire assez pour réduire les émissions de gaz à effet de serre responsables du changement climatique. Mais pour les experts, c'est évident depuis longtemps : la transformation radicale et rapide des économies et des modes de vie, nécessaire pour limiter le réchauffement sous +2°C, si possible +1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle, passe forcément par des objectifs ambitieux et une forme de programmation pour les atteindre.

Urgence climatique

"Le Giec (experts climat de l'ONU, ndlr) nous rappelle régulièrement qu'il faut aller vite. Il faut déployer toutes les solutions disponibles rapidement", note Marie Le Mouel, analyste à l'Institut Bruegel. "Avec l'idée d'avoir une vision à long terme, de comprendre les enjeux, les domaines où il faut vraiment investir, le concept de planification prend tout son sens", indique-t-elle à l'AFP.

Pour Sébastien Treyer, patron de l'IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales), cette planification comporte plusieurs "points clé" : des objectifs de moyen et long terme couplés à une "grande priorité politique qui crédibilise ces objectifs", des investissements pour déployer les politiques nécessaires, une "mobilisation" de tous, y compris les citoyens, et une évaluation "en cours de route" pour rectifier la trajectoire si besoin en prenant des mesures plus restrictives. Mais "ce n'est pas nécessaire d'appeler ça 'planification écologique' à partir du moment où les quatre points sont présents", explique-t-il à l'AFP, estimant que le "meilleur exemple" en est la politique climatique de l'Union européenne.

L'UE dispose ainsi d'"objectifs extrêmement ambitieux à 2030 et 2050" et "d'investissements publics importants", avec une "logique de mobilisation/concertation" avec les Etats membres et une possibilité d'amendes si les règles ne sont pas respectées, souligne-t-il.

Sans y coller d'étiquette, d'autres pays s'en servent aussi. "La programmation fait partie intégrante" de la politique climatique britannique, explique ainsi à l'AFP Thomas Muinzer, co-directeur du Center for Energy Law de l'université d'Aberdeen, en référence au Climate Change Act de 2008.

Incarnation d'une politique climatique

Cette loi, pionnière en la matière, fixait notamment un objectif de baisse des émissions de 80 % d'ici 2050 par rapport à 1990 (renforcé depuis) avec la mise en place de budgets carbone légalement contraignants pour chaque période de cinq ans. Et même si "on pourrait faire plus", ce processus de planification "a été un succès", estime Thomas Muinzer. Avec une baisse des émissions de 40 % entre 1990 et 2019. A l'opposé selon lui, l'Irlande : avec un plan climat en 2015 "sans objectif contraignant ni budgets carbone sur cinq ans", elle "a repoussé le problème à plus tard" et n'a pas tenu ses objectifs pour 2020.

Qu'en est-il d'une incarnation claire de cette politique climat, vue par certains experts comme une composante importante d'une planification réussie ? Au Royaume-Uni ces dernières années, le Premier ministre Boris Johnson a été "le visage de la transition", même si la charge est officiellement celle du ministre des Entreprises et de l'Energie, note Thomas Muinzer, s'interrogeant sur la marge de manoeuvre de la Première ministre française face à un président qui a déjà "dessiné sa vision politique" sur le sujet.

Mais dans un contexte français où les ministres successifs chargés de l'environnement et du climat ont perdu nombre d'arbitrages contre Bercy ou l'Agriculture, confier cette stratégie à la cheffe du gouvernement "est la meilleure solution", estime Sébastien Treyer.

En Allemagne, Robert Habek, "le ministre de l'Economie est aussi en charge du climat", avec rang de vice-chancelier, élevant la neutralité carbone au rang de "stratégie économique de l'Allemagne", insiste-t-il. Dans tous les cas, il ne faut pas négliger un élément capital d'une planification climatique réussie: "embarquer tout le monde" dans ces bouleversements majeurs, poursuit-il. "La principale difficulté de cette transition, c'est le sentiment de justice", renchérit Marie Le Mouel. "Les solutions à adopter, par exemple augmenter le prix des énergies fossiles, ont un impact sur la qualité de vie des gens", note-t-elle, mettant en garde contre une politique "uniforme" qui "ne peut pas marcher".

Avec AFP. 

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