"Les défenseurs de l’environnement sont des héros, pas des criminels". C’est par ces mots que l’acteur Pierre Richard a apporté son soutien à Paul Watson. Pourtant, c’est bien menotté et encadré par des policiers que le militant écologiste canadien de 73 ans a été débarqué de son bateau le 21 juillet dernier, dans le port de Nuuk au Groenland. En cause, un mandat d’arrêt international émis par le Japon en 2012, accusant Paul Watson d’avoir commis des dommages et des blessures à des baleiniers japonais dans l’Antarctique. Incarcéré depuis plus de six semaines au Groenland, sa détention provisoire a été prolongée de 28 jours mercredi 4 septembre, dans l’attente de la décision des autorités danoises concernant son extradition vers le Japon.
L’engagement d’une vie
Ce n’est pas la première fois que le fondateur de l’organisation Sea Shepherd a des démêlés avec la justice. Paul Watson est notamment connu pour son engagement contre la pêche à la baleine, et ses actions d'abordages — parfois musclées — en pleine mer suscitent régulièrement la controverse. En 2012, il est arrêté à Francfort, en Allemagne, en raison d’un mandat d’arrêt international émis par le Costa Rica suite à une altercation du militant avec des braconniers surpris en pleine pêche illégale aux ailerons de requins. Assigné à résidence, il apprend son extradition prochaine vers le Costa Rica et décide de s’enfuir. Une fuite digne d’un film d’espionnage : moustache coupée, perruque et de nombreux complices lui permettent de rejoindre les eaux internationales, dans lesquelles il restera pendant quinze mois avant de trouver refuge en France en 2014.
Né à Toronto en 1950, et ayant grandi au Nouveau-Brunswick, Paul Watson sait dès son plus jeune âge qu’il consacrera sa vie à la défense de la nature et des animaux et s’emploie, notamment, à détruire les pièges destinés à capturer les castors. En 1971, à seulement 21 ans, il fait partie des membres de la première heure d’un mouvement qui deviendra l’ONG Greenpeace — aujourd’hui mondialement connue — avant d’en être exclu en 1977 pour s’être interposé entre un cachalot et un chalutier. Pour lui, "pour sauver les baleines, il faut être prêt à mourir". Il crée ensuite l’organisation qui fera sa renommée, Sea Shepherd.
Une personnalité clivante
Engagée dans la lutte contre la pêche à la baleine, aux dauphins, aux requins, la chasse aux phoques ou encore pour la protection des réserves marines, l’organisation est dirigée d’une main de fer par cet excentrique activiste. "Les navires n'ont jamais été dirigés de manière démocratique, c'est cette règle qui nous a permis de rester fidèles à notre esprit d'origine et de ne pas diluer notre âme combative dans la compromission", affirme celui qui se considère comme un "humble fanatique". S’il peut compter sur de nombreux soutiens, sa personnalité et ses méthodes ne font pas l’unanimité dans les rangs de Sea Shepherd. En juillet 2022, en raison de nombreux désaccords, il démissionne de l’antenne américaine de l’organisation et, en septembre de la même année, il est exclu du conseil d’administration de Sea Shepherd Global, la maison mère. Il crée alors Sea Shepherd Origins, organisation ralliée par les antennes française, britannique, hongroise et nouvelle-calédonienne et lance une nouvelle fondation, la Captain Paul Watson Fondation, qu’il implante dans les autres pays.
Pour aller plus loin : "Ecologie : gagner plus, dépenser moins".
Emprisonné, mais pas isolé. Chaque jour, Paul Watson reçoit la visite de Lamya Essemlali, son amie et présidente de Sea Shepherd France. L’activiste de 37 ans fait tout son possible pour alerter l’opinion publique, notamment sur les risques d’une extradition au Japon. Car si Paul Watson a confié au média Vakita qu’il "serai[t] extrêmement surpris si le Danemark [l]’extradait vers le Japon", Lamya Essemlali considère, elle, que même si c’est peu probable, il ne faut pas l’exclure. Dans un entretien accordé à Vert, elle affirme que des yakuzas — membres de la mafia japonaise ayant des liens avec l’industrie baleinière — attendent Paul Watson en prison. "S’il va là-bas, il n’en ressortira pas vivant", poursuit-elle. Mais l’activiste aux cheveux blancs en bataille garde le moral. Dans une vidéo postée sur le compte Youtube de Sea Shepherd France quelques jours après son arrestation, Lamya Essemlali affirme qu’il va bien avant d’ajouter, visiblement touchée, "ce qui m’a émue le plus, c’est son regard quand je suis partie. Il avait un regard d’enfant".