C’est la première fois qu’une entreprise pourrait être reconnue coupable de greenwashing par un tribunal en France. TotalEnergies a fait face au tribunal judiciaire de Paris le 5 juin pour répondre aux accusations de 3 ONG de défense de l’environnement et de lutte contre le changement climatique.
En 2022, Greenpeace France, Les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous, avec le soutien de ClientEarth, ont assigné la compagnie pétrolière française en justice pour pratiques commerciales trompeuses.
"Désinformation environnementale"
Pour les 3 organisations, le constat est clair : TotalEnergies pratique la "désinformation environnementale" et "prétend être un acteur majeur de la lutte contre le dérèglement climatique", "après avoir passé plusieurs décennies à alimenter le climato-scepticisme".
Dans un communiqué, Greenpeace France revient sur l’opération de communication menée par la compagnie depuis 2021. Celle-ci commence par un changement de nom, passant de Total à TotalEnergies. Une façon de "se présenter comme un acteur majeur de la transition énergétique, investi dans le développement d’énergies multiples".
Pour cela, l’entreprise a misé sur la publicité, mettant en avant son soutien au développement des secteurs éolien et photovoltaïque et son objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
"C’est ça, le greenwashing, une stratégie marketing utilisée par une entreprise pour verdir son image", résume l’ONG, qui reproche à la compagnie pétrolière de passer sous silence ses nombreuses activités toujours en lien avec les industries fossiles.
Une bombe climatique
"En 2024, les énergies fossiles représentent plus de 97 % de sa production énergétique globale et près de 80 % de ses investissements. Elle prévoit même de continuer à augmenter sa production d’hydrocarbures dans les années à venir."
Parmi ses nombreux investissements, Greenpeace cite le projet EACOP, qui prévoit de construire un gigantesque pipeline sur plus de 1 400 km, de façon à rallier la région du lac Albert, en Ouganda, à l’océan Indien, en Tanzanie.
Recensé parmi les 425 bombes climatiques dans l’étude "Carbon Bombs - Mapping key fossil fuel projects", ses auteurs estiment que le projet devrait émettre plusieurs millions de tonnes de CO2 chaque année.
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Au-delà de son impact sur le climat, le projet est aussi décrié pour les importants risques de pollution, la destruction de la biodiversité et le bilan humain catastrophique qu’il induit. En tout, 100 000 personnes ont été expropriées ou sont menacées de l’être, tandis que le site officiel du mouvement "Stop Eacop" fait état d’un "manque de transparence et de retards dans les compensations, ce qui a eu un impact sur les moyens de subsistance, a exacerbé l'insécurité alimentaire et a perturbé la fréquentation scolaire".
Une communication qui "induit en erreur"
Pour Greenpeace, la stratégie de Total repose aussi sur la présentation du gaz comme une "énergie de transition", qui serait à mi-chemin entre les énergies fossiles et renouvelables. Selon l’ONG, cette communication "induit les consommatrices et consommateurs en erreur sur les véritables impacts de cette énergie tout au long de son cycle de vie".
À l’origine d’importantes fuites de méthane, le gaz contribue pourtant bel et bien au réchauffement global de la planète. L’association reproche à Total de vouloir "en développer massivement l’exploitation", sans prendre en compte ses "autres conséquences graves : dommages environnementaux considérables, destruction de la biodiversité, violations des droits humains, déplacements de populations".
En France, aucune entreprise n’a jamais été reconnue coupable de greenwashing devant la justice. Ce n’est toutefois pas le cas dans tous les pays de l’Union européenne. En 2024, le tribunal d’Amsterdam reconnaissait la compagnie aérienne néerlandaise KLM coupable de publicité trompeuse pour sa campagne "Fly responsibly". Pour TotalEnergies, le jugement sera rendu le 23 octobre.