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Entretiens

"Le label B Corp nous pousse à justifier notre impact social et environnemental"

Le family office français Kimpa, spécialisé sur les placements à impact, vient d’obtenir la certification B Corp. Julien Lescs, cofondateur et Marie Freville, analyste durabilité et private equity chez Kimpa nous racontent en quoi ce label exigeant aide leur société à progresser.

Créé en 2020, Kimpa est ce qu'on appelle un family office, une société de gestion qui gère les intérêts patrimoniaux d’une ou de plusieurs familles. Spécialisé dans le financement "des projets à fort impact pour la planète, à travers les générations", Kimpa a obtenu le statut de société à mission en juin 2021. Le gestionnaire d'actifs est ensuite devenu le premier family office tricolore à obtenir la certification B Corp en décembre dernier. Lancé aux États-unis en 2006, le label Benefit Corporation (B Corp) certifie les entreprises privées qui intègrent des objectifs sociaux et environnementaux au coeur de leur activité. À ce jour, 4400 entreprises dans le monde et 160 en France ont obtenu ce label à l’exigence reconnue.

Pouvez-vous nous rappeler le principe de la certification B Corp ?

Marie Freville  : Le label B Corp certifie des entreprises à but lucratif qui oeuvrent pour une économie plus inclusive et durable. Celui-ci va évaluer cinq piliers que sont la gouvernance, l’impact sur la collectivité, l’environnement, les collaborateurs et les clients. L’entreprise candidate remplit un questionnaire de plus de 200 entrées. Celui-ci nous aide à nous améliorer nous-même en interne à la fois sur notre modèle économique et sur nos opérations au jour le jour. Dans le cas de Kimpa, c’est de diriger le plus de capitaux vers un fort impact pour la planète.

Julien Lescs : Après le questionnaire, vient une seconde étape où on doit fournir des documents justifiant nos réponses. Ce n’est pas simplement du déclaratif et c’est là tout l’intérêt. On est ensuite audité et on passe un entretien qui vient soit confirmer nos points, soit nous en enlever et parfois nous en rajouter lorsqu’on est passé à côté de quelque chose de positif. Une entreprise classique obtient en moyenne 50 points, en sachant que pour avoir la certification B Corp, il faut dépasser les 80 points. Kimpa a obtenu 108,7 points. En 2021, c’est le deuxième meilleur score des entreprises B Corp françaises.

Pourquoi Kimpa s’est lancée dans ce processus de certification ?

JL : Kimpa est née avec l’ambition d’avoir un impact positif par son modèle économique. En premier temps, on a donc rejoint le mouvement des "sociétés à mission" en France. Kimpa a aussi une vocation internationale. Nous sommes basés en France et en Espagne, avec des objectifs de déploiement sur d’autres marchés à l’étranger. Le label B Corp étant un des labels responsables les plus reconnus dans le monde, il était cohérent que l’on s’engage dans ce processus là. De plus, B Corp nous a forcés à documenter certains principes essentiels de Kimpa qui touchent directement au travail de nos collaborateurs. Nous sommes une entreprise dite "libérée", inclusive - à travers l’association de nos salariés au capital de l’entreprise -, nous proposons des vacances illimitées et sommes flexibles sur nos conditions de travail.

Être certifié B-Corp est-il aussi un moyen de vous distinguer dans le monde de la gestion d’actifs ?

JL : On n’a pas pour velléité de dire au monde de la finance : "Ce que vous faîtes est globalement de la peinture verte sur votre mur et on va vous expliquer comment faire." La philosophie B Corp et de l’impact, ce n’est pas ça. C’est avant tout la circularité. Si vous savez faire quelque chose, il faut le partager avec les autres. Pourquoi ? Parce que personne ne va sauver la planète tout seul. Ça, on en est à peu près sûr (rires). Tout le monde doit donc partager ce qu’il sait bien faire. Nous, ce qu’ont sait bien faire, c’est expliquer clairement en quoi nos offres de valeurs contribuent positivement à l’impact social et environnemental de notre planète.

Cette certification vous a-t-elle amenés à changer certains process vis-à-vis de vos clients ?

JL : Il y a un sujet très important par rapport aux clients chez B Corp. Il peut se résumer par cette question : est-ce que les engagements que vous posez sont suivis, mesurés et partagés avec eux ? Là où ce label nous pousse est qu’il nous encourage à progresser tout le temps car on est pas certifié B Corp à vie. Tous les deux ans, on est audité pour vérifier si on a avancé. Si ce n’est pas le cas, on perd la certification.

Avec B Corp, ce qu’on va regarder est comment on mesure l’impact du portefeuille de nos clients et comment on mesure leur satisfaction. Ainsi, là où le label nous a poussé, est qu’on documente tout, notamment nos thèses d’investissement à impact. Demain, on mesurera de manière précise l’impact du portefeuille de nos clients avec un outil propriétaire que l’on développe et qui s’appelle "le portefeuille augmenté". Grâce à B Corp, on est incité à nous améliorer constamment en fin de compte. On peut amener davantage de preuves de progression à nos clients, sur notre capacité à les aider à mesurer leur impact.

Vous faîtes partie des premiers family office en France à être certifié B Corp. Vous considérez-vous comme un pionnier ?

JL : Oui en France, on peut se considérer comme une sorte de pionnier. Mais il faut rester humble, le pays compte seulement 160 entreprises certifiées B Corp. Quoiqu’il en soit, notre souhait est qu’on soit 7000 sociétés dans les trois ans ! C’est pourquoi je dirais finalement qu’on n’a pas de velléité à être "pionnier", mais plutôt à être reconnu pour avoir motivé les autres à nous rejoindre. À ce titre, si des concurrents, des confrères, des sociétés de notre secteur souhaitent en savoir plus sur comment devenir B Corp, ils peuvent nous appeler !

MF : C’est exactement pour ça que le questionnaire est en open source et gratuit. Toutes les entreprises y ont accès. Cette certification bien sûr est gage de qualité, elle nous démarque, mais ce n’est pas que ça. L’objectif fondamental est que toute l’économie devienne B Corp.