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En bref

Le label "vert" pour le gaz et le nucléaire déclenche la colère des ONG

La Commission européenne a provoqué mercredi la colère d'organisations écologistes en créant un label "vert" pour les centrales nucléaires et au gaz, reconnaissant, sous certaines conditions, leur contribution à la lutte contre le changement climatique.

Le projet divise les 27 Etats membres de l'UE. Opposée à l'atome, comme l'Allemagne et le Luxembourg, l'Autriche a aussitôt annoncé qu'elle attaquerait devant la justice européenne cette initiative également contestée dans le monde de la finance.

Dans la matinée, les commissaires européens ont approuvé, lors de leur réunion hebdomadaire, une liste de critères permettant de classer comme "durables" les investissements dans des centrales nucléaires ou au gaz pour la production d'électricité. Un privilège jusqu'ici réservé aux énergies renouvelables.

Alors que l'exécutif bruxellois décide généralement par consensus, un vote a été nécessaire et trois commissaires se sont opposés, selon une source européenne. Le texte doit aider à mobiliser des fonds privés vers des activités réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Il s'inscrit dans l'objectif de neutralité carbone de l'UE en 2050. Pour l'atteindre, Bruxelles juge indispensable une contribution du nucléaire, qui n'émet pas de CO2, et des centrales au gaz, moins émettrices que celles au pétrole ou au charbon.

"Nous devons utiliser tous les outils à notre disposition, car nous avons moins de trente ans pour y parvenir", a expliqué la commissaire européenne aux Services financiers, Mairead McGuinness, lors d'une conférence de presse. L'exécutif européen estime que les énergies renouvelables, déjà labellisées par Bruxelles et qui restent une priorité, ne pourront pas, à elles seules, répondre à la demande croissante d'électricité, en raison de leur production intermittente. D'où le besoin, à titre transitoire, de favoriser aussi l'investissement dans des moyens stables et pilotables. La France, qui veut relancer sa filière nucléaire et des pays d'Europe centrale, comme la Pologne ou la République tchèque, qui doivent remplacer leurs centrales à charbon très polluantes, ont soutenu l'initiative.

"Hold-up" 

Faire partie de cette classification permet une réduction des coûts de financement, cruciale pour les projets concernés et pour les Etats voulant les soutenir. Mais les écologistes rejettent le gaz, énergie fossile émettrice de CO2, et le nucléaire, en raison de ses déchets radioactifs et du risque d'accident.

"Avec cette proposition à courte vue, la Commission mine considérablement la crédibilité de l'UE", a réagi l'eurodéputé vert Damien Carême. Greenpeace a dénoncé "le plus grand exercice de 'greenwashing' de tous les temps" et "une tentative de hold-up". "On essaie de détourner des milliards d'euros qui étaient destinés aux renouvelables", a affirmé Ariadna Rodrigo pour l'ONG.

"Le gouvernement allemand rejette une telle classification. Nous sommes opposés à ce que l'énergie nucléaire soit qualifiée de durable", a répété mercredi un porte-parole à Berlin.

"Transparence" 

L'Allemagne, qui opère toujours des centrales à charbon, mise sur l'essor des éoliennes et du solaire, ainsi que sur de nouvelles centrales au gaz pour assurer son approvisionnement, en dépit des critiques sur sa dépendance à la Russie. L'Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède ont de leur côté contesté l'inclusion du gaz.

Mme McGuinness a assuré que le texte apportait de la "transparence". Il oblige en effet les entreprises à déclarer l'ensemble de leurs activités gazières et nucléaires, permettant aux investisseurs qui le souhaitent de les exclure de leur portefeuille.

Il impose des conditions strictes à la labellisation du nucléaire et du gaz, notamment une limitation dans le temps et l'obligation de recours aux meilleures technologies disponibles. Pour la construction de nouvelles centrales atomiques, les projets devront avoir obtenu un permis de construire avant 2045. Les travaux permettant de prolonger la durée de vie des centrales existantes devront avoir été autorisés avant 2040. Concernant le gaz, la Commission impose un plafond d'émissions de CO2 : moins de 100 g par kWh, un seuil inatteignable avec les technologies actuelles selon des experts. Mais, une période de transition est prévue, et les centrales obtenant leur permis de construire avant le 31 décembre 2030, verront ce seuil relevé à 270 g, à condition qu'elles remplacent des infrastructures beaucoup plus polluantes.

Durant une période de quatre mois, le Parlement européen pourra rejeter le texte s'il rassemble une majorité de 353 députés sur 705. Le Conseil européen pourrait aussi théoriquement s'y opposer, à condition de réunir 20 Etats membres, ce qui paraît hors de portée.

Avec AFP.