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Performance extra-financière : l’ISR à l’heure du crash test (2/2)

Indicateurs et définitions hétérogènes, difficultés à se fournir en données, tentatives de greenwashing... les difficultés sont nombreuses lorsqu'il s'agit de rendre compte de l'impact réel des fonds ISR, mais des pistes et outils se détachent. 

L’une des premières difficultés liées à la question de la performance extra-financière de l’ISR tient  à la nature même de cette thématique de gestion, qui recouvre des approches et des degrés de conviction variés, et presque autant de conceptions de la notion de performance. Entre la « simple » exclusion de l’univers de référence de secteurs controversés tels que les énergies fossiles, le tabac ou l’alcool et la sélection des valeurs les plus responsables tous secteurs confondus (best-in-universe), en passant par l’investissement dans des entreprises présentes dans les secteurs d’activité liés au développement durable (fonds thématiques), les impacts recherchés paraissent ainsi difficilement comparables. Cherche-t-on à investir de façon plus éthique ? Ou s’agit-il de contribuer directement au financement d’entreprises porteuses de solutions aux enjeux de la transition environnementale ?

Ce d’autant plus que la notion même d’ « impact », désormais volontiers reprise par un grand nombre d’asset managers dans leurs stratégies de communication, reste également parfois peu lisible pour les investisseurs. Historiquement lié à l’impact-investing -qui consiste à investir dans des entreprises ou organisations qui ont pour but premier de générer un impact environnemental ou social positif- et autrefois l’apanage du private- equity, le terme désigne désormais des réalités parfois bien différentes.

Le manque de consensus, ainsi que les demandes propres à chaque stratégie ESG, a ouvert la voie à une véritable profusion de méthodologies et d’indicateurs, mais certains se sont cependant naturellement imposés ces dernières années dans les reportings extra-financiers. Sur le volet environnemental, il s’agit par exemple des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation d’eau ou encore de la production de déchets, quand la création d’emplois, le taux d’absentéisme, ou la part des femmes salariées sont des critères qui reviennent régulièrement concernant le social. Du côté de la gouvernance, l’indépendance des administrateurs, la rémunération des dirigeants ou le taux de femmes dans les conseils d’administration se détachent également.

L’exercice, pourtant, en est encore à ce jour à ses débuts, et soulève de nombreuses discussions parmi les acteurs de l’ISR. D’abord au niveau de l’agrégation des données à l’échelle des portefeuilles, rendue difficile par les spécificités sectorielles ou géographiques de chaque actif, mais également par la complexité de rendre compte de l’ensemble d’une démarche de développement durable. Ensuite, la maturité voire la pertinence de certains indicateurs fait également l’objet de débats. Ainsi, même sur la très populaire empreinte carbone par exemple, des difficultés apparaissent lorsqu’il s’agit de considérer les périmètres à prendre en compte pour mesurer les émissions réelles liées à l’activité d’une entreprise. Aujourd’hui, celles-ci se limitent encore souvent aux scopes 1 et 2 (émissions directes liées à la fabrication du produit et émissions indirectes liées à la consommation d’énergie des entreprises). Or, sur un secteur tel que l’automobile, la majorité des émissions ont lieu après commercialisation du produit, soit le scope 3. Et même en intégrant ces informations, il ne s’agira finalement jamais que d’estimations, dont les résultats peuvent varier d’une méthodologie à l’autre...

La donnée, nerf de la guerre

C’est d’ailleurs aujourd’hui peut-être véritablement sur l’accès à la donnée que se trouve le principal frein au développement de métriques performantes. « Si vous regardez la thématique sociale, chaque entreprise va diffuser des informations selon des indicateurs qui sont différents », regrette Aurélie Baudhuin directrice de
la recherche ISR chez Meeschaert Asset Management. « Et quand elle existe, cette information est parfois lacunaire... ». Cette hétérogénéité appelle certains acteurs à se poser la question d’un éventuel besoin de standardisation, à la fois au niveau des entreprises, qui disposent d’une grande liberté concernant les indicateurs à mettre en place dans leurs reportings extra- financiers, que des fonds eux-mêmes. Les travaux actuellement en cours au niveau de la Commission européenne, portant notamment sur la taxonomie des actifs verts, voire les réflexions menées au sein du label ISR pourraient pousser en ce sens.

Les ODD, nouveau cadre de référence ?

De plus en plus utilisés dans les reportings extra-financiers des en- treprises et des sociétés de gestion, les 17 Objectifs du développement durable (ODD), définis par les Na- tions unies en 2015, constituent pour beaucoup un référentiel propice pour rattacher l’impact ESG à des enjeux bien identifiés, tels que l’accès à l’eau ou la lutte contre la pauvreté.

A lire : ODD, nouveau focus des agences de notation extra-financière, Novethic

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